Bonjour Théophile et Joseph, vous êtes en team chez CLM, quels ont été vos parcours ?
Joseph : On s’est rencontrés à l’école Estienne, dans une formation qui s’appelle aujourd’hui le DSAA Design & Stratégies de communication. Théo sortait de 3 ans de design graphique et moi de « multimédia ». Oui, ça se disait encore… J’adorais le web design. Je matais constamment des sites comme les Awwwards ou les FWA. Puis un jour, j’ai réalisé que j’étais plus amoureux de l’idée publicitaire derrière les sites que des sites en eux-mêmes.
Théo : Après mon BAC, j’ai intégré Duperré pour faire tout sauf de la pub. J’hésitais entre designer graphique et architecte d’intérieur. Puis quand je suis arrivé à Estienne, je me souviens encore de cette intervention de Jorge Carreño. Il nous a présenté son book et j’ai réalisé que la pub était un métier où tu pouvais réfléchir, te marrer et voyager tout en étant payé… Mais pour se marrer, il faut être 2. Et c’est en découvrant Jo lors d’un workshop que je me suis dit qu’avec ce mec, on pourrait définitivement bien se marrer.
Joseph : Ensuite, on a fait un an de sémiologie à la Sorbonne. Le temps de faire notre dossier et de rejoindre CLM BBDO. C’était juste après le départ de Benjamin Marchal et Olivier Lefebvre.
Matthieu Elkaïm nous a fait confiance. L’aventure commençait.
Depuis combien d’années travaillez-vous dans le milieu de la publicité ?
Ça va faire 4 ans.
Sur quels budgets et avec qui ?
Chez BBDO, on a travaillé avec à peu près tout le monde. Matthieu, Eric Pierre, Paul Kreitman et aujourd’hui Benjamin Dessagne et Stéphane Santana. Coucou les gars !
C’est quoi vos ambitions créatives ?
Joseph : J’aime beaucoup travailler au contact de talents étrangers. Je me souviens d’une soirée à brainstormer sur une marque chinoise avec un créa chilien dans le bureau d’un DC australien. Et tout ça, en parlant un anglais à deux balles. Les agences réseau, c’est souvent l’auberge espagnole.
Théo : Expérimenter d’autres cultures, d’autres formats d’agence. Rester curieux, continuer à me marrer avec Joseph et imaginer des campagnes qui ont du sens pour nous. Et surtout un jour, consacrer beaucoup plus de temps à travailler pour des marques engagées et sur des projets qui font avancer la société.
Peux-tu citer 5 trucs que tu kiffes ?
Théo : La micro-sieste, le Guide du Routard, me motiver à acheter des bouquins pour ne jamais les lire, faire des blind tests avec Guillaume Denis, passer des heures sur www.vide-greniers.org…
Joseph : Les taxis. C’est un peu comme entrer dans le salon d’un inconnu l’espace de quelques minutes. Tu te mets à discuter de tout et de rien. Parfois de choses super profondes.
J’aime bien la rue Dante, aussi. Avec ses boutiques de BD et d’univers geek. Et les librairies de deuxième main, comme Mona Lisait ou Boulinier. Tu peux tomber sur une vieille édition du club des DA allemand à côté d’un livre improbable sur les toilettes.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Théo : Il y a 3 ans, on a lancé une petite marque de décoration avec ma meuf qui s’appelle Ovide Paris. Le principe est simple : on chine de vieux objets déco que l’on retape et transforme. On les vend ensuite lors de ventes éphémères sur Paris. Un kiff qui prend pas mal de temps et qui a surtout définitivement transformé notre appart’ en magasin d’antiquités…
On a mis en pause ces derniers mois, mais on compte bien s’y remettre dès que possible !
Joseph : Pendant un temps, j’animais des ateliers d’éducation à l’image avec une amie institutrice. J’adorerais rejoindre une association pour continuer… Sinon, j’interviens régulièrement dans des écoles d’arts appliqués.
Parlez-nous des choses que vous avez faites/produites en agence
Une youtubeuse s’est amusée à en faire une analyse : https://www.youtube.com/watch?v=L63Usnr_1GY&t=71s
C’est drôle de voir toutes les interprétations possibles qu’ont pu en avoir les spectateurs. Ça nous rappelle toutes les questions par lesquelles nous sommes passés durant la fabrication.
– OUI FM « Teen Spirit »
Il y a aussi ce print olfactif pour OUI FM. Il se trouve que le morceau culte de Kurt Cobain « Smells like Teen Spirit » est en fait inspiré d’un déodorant pour fille. Quand on a découvert cette histoire, on a appelé l’oncle de Théo aux Etats-Unis pour qu’il nous envoie un carton de déo. Puis on a reconstitué l’odeur avec un parfumeur pour en faire un print olfactif. On a toujours le poster dans notre bureau. Il sent toujours aussi mauvais. Merci Kurt.
Vous avez deja gagné quelques prix, ça fait quoi ?
Joseph : Care et Pedigree, c’était nos premiers lions. Puis il y a eu le reste… Avec Théo, ça nous a paradoxalement fait prendre conscience de l’importance du travail de tous les jours. C’est bien de faire des lions, mais c’est essentiel de savoir faire des belles campagnes. On ne veut pas devenir un team qui ne sait faire que des jolis petits coups sur les réseaux sociaux. On veut être un vrai team créatif, complet et envieux de travailler sur tout.
Théo : Je me souviens de nos premiers lions évidemment. C’est le moment où tu te dis que ça y est, tu es dans la cour des grands. Et puis ça récompense tous les efforts, les coups de gueules, les nocturnes, les 300 versions de case study. Mais ça récompense surtout une équipe de gens qui se sont défoncés pour faire vivre l’idée que tu as eu dans un box de 9m2 avec ton team. Trop souvent, on a tendance à les oublier : les commerciaux, social strategists, planneurs, producteurs, monteurs… Donc big up à eux qui, chaque jour, supportent nos caprices et nous aident à emmener nos campagnes plus loin !
Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
Joseph : Le tournage d’Objectif 90min. Quand les pères sont entrés sur le terrain alors que leurs fils ne s’y attendaient pas, j’ai lâché un énorme pet d’émotion. Ben Dessagne était juste à côté. J’étais aussi heureux que gêné… Puis il y a eu une cette présentation inoubliable où j’ai dû apprendre l’hymne soviétique durant tout un dimanche pour chanter mon script qui s’appelait « À la recherche du nouveau Tsar » devant le directeur marketing d’Ébly. Le mec n’a même pas souri. Et derrière, j’enchaînais avec un autre script intitulé « Alleluia del condor » où je devais mimer un prêtre choriste chantant avec un joueur de flûte de pan péruvien.
Théo : Une PPM pour un film Tropicana. Les clients, le réal, la prod, Matthieu et nous dans une salle de réunion. Tout le monde s’est arrêté de parler en réalisant que le bouledog de la productrice était en train d’avoir une érection en sentant l’air chaud du ventilateur sur ses couilles. Moment gênant.
Joseph : Et si… quand on a marché longtemps ensemble et, qu’à la fin, Théo m’a proposé de se mettre en team. Je vois la rue de Rennes différemment depuis ce jour.
Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques (avec les refs stp) ?
Dans les classiques…
(Volkswagen – Lamp post)
(BMW – Starry Night)
Plus récemment…
(New York Times – The truth is hard to find)
https://www.youtube.com/watch?v=15neXcMJ3Yk
(CALM – Project 84)
https://lareclame.fr/52077+musee+grande+guerre
(Musée de la Grande Guerre)
Dans les couillonneries…
https://www.youtube.com/watch?v=xiRXizGlwJA
(Cheetos – Cheetos museum)
https://www.youtube.com/watch?v=qUuAYz6Rudo
(Sopalin – Oh my Lord)
Et puis à force de bosser sur Café Grand’Mère…
(Café Chipouille)
Tu as des modèles de créatifs dans/en dehors de la publicité ?
Joseph : Dans la publicité, j’aime beaucoup la phrase de David Ogilvy : « Tell the truth, but make the truth fascinating ». C’est une belle philosophie de la création. Quel que soit le domaine, d’ailleurs. Quand Tomas Saraceno transforme des vraies toiles d’araignées en sculpture, il ne fait que sublimer un événement du quotidien auquel personne ne prête attention.
Hors pub, j’ai été touché par le parcours de Tadao Ando. Comme il n’avait pas les moyens d’aller à l’université, il est devenu architecte en voyageant à travers le monde et en observant les bâtiments qui l’inspirait. Je suis fasciné par les autodidactes.
Théo : Vallée et Duhamel (https://valleeduhamel.com) pour leur univers visuel incroyable. Violaine et Jérémy (https://violaineetjeremy.fr) pour leur travail éditorial. Et Stefan Sagmeister, pour sa réflexion sur le travail créatif et le bonheur. Tous les sept ans, il ferme son agence new-yorkaise et offre une année off à ses équipes pour prendre du recul, se reposer et s’inspirer. Hâte que ce soit mis en place chez CLM !
Vous faites partie de quelle génération de créa ? les noms des gens qui evoluent comme vous, vos potes d’école ou des gens croisé en stage ou autres.
Joseph : Il y en a beaucoup… on ne voudrait pas en oublier ! C’est la génération digital, coups RP et médias sociaux. Quand on était à l’école, on rêvait de faire du print. Arrivés en agence, on a vite compris que c’était fini. Si on voulait se faire remarquer dans les festivals, il fallait se mettre au diapason de l’activation. Et vite !
La pub va évoluer dans quelle direction d’après vous ?
Joseph : Toujours plus de conscience sociale et environnementale. Beaucoup de professionnels se plaignent que la publicité ne se contente plus de vendre. Qu’elle cherche à changer le monde avant de divertir. Mais quand tu regardes autour de toi, tu vois bien que les entreprises doivent faire face à des débats éminemment sociétaux. Les gens veulent savoir ce qu’ils mangent, d’où ça vient, comment ça a été produit… Les questions de genre, d’égalité, de « diversité » sont omniprésentes. Les entreprises sont forcées de se responsabiliser.
Théo : Pour moi, on arrive vraiment à un croisement dans la pub. Je pense que les modèles d’agences sont à réinventer et qu’il faut tester des choses. Des formats d’agence plus agiles, plus mobiles. Des structures plus petites, plus locales. Une meilleure prise en compte de l’humain, d’un temps pour se nourrir, se reposer et s’inspirer. Une meilleure gestion du temps de travail. Et définitivement casser les frontières entre planning, commerce et création ; tout en intégrant mieux les nouveaux profils comme la data, le social, l’entertainment…
Joseph : Nous, on n’a pas connu le soi-disant « âge d’or » de la publicité. Alors, oui, les budgets sont peut-être plus serrés qu’avant. Mais nous n’avons pas le sentiment que le métier soit devenu moins créatif. Au contraire. L’activation de marque ouvre des perspectives de projets sans limite ! Tu peux être amené à travailler avec des designers d’objets, des scénographes, des artistes, des parfumeurs, des journalistes, des hackers… Le terrain de jeu n’a jamais été aussi grand.
Tu peux envoyer un mail au toi de 60 ans, tu lui dis quoi ?
Joseph : Ne me dis pas que tu es devenu prof ?
Théo : J’espère que tu chill sec et que ton potager se porte bien.
Un conseil pour réussir/avancer dans ce métier ?
Théo : Se donner à 300%. Apprendre des meilleurs. Être patient et impatient en même temps. Être curieux. Être passionné mais rester humble (n’oublions pas que nos grands-parents ne comprendront jamais vraiment ce qu’on fait). Et toujours relativiser, savoir débrancher et prendre du recul avec ce milieu.
Joseph : La première des réussites, c’est de décrocher un poste. Il y a tellement de jeunes créatifs qui rament avant de trouver un poste en agence. Soit on leur propose un stage, soit on leur répond qu’ils n’ont pas assez d’expérience… c’est une période compliquée. Mais si on est passionné, il faut s’accrocher !