Bonjour Philippe, quel a été ton parcours ?
J’ai fait des études de lettres, puis de scénario. Pour valider mon master, il fallait trouver un stage…de scénariste donc. Comme ça n’existe pas, j’ai paniqué et j’ai envoyé mes petits courts-métrages d’étudiant à toutes les entreprises de France qui avaient un vague lien avec la notion de création.
C’est comme ça que je me suis retrouvé par hasard chez Fred et Farid (FFL à l’époque) alors que je ne connaissais de la pub que l’émission de M6 qui fait dire “Badoumba” quand on en prononce le nom. J’ai appris plus tard que les étudiants d’écoles de pub se battaient pour y obtenir un stage. La vie est complètement injuste. Mais quand c’est moi qui en profite, je trouve que c’est très bien comme ça. L’agence était toute neuve et on était très peu nombreux, ce qui m’a permis d’être directement formé par Fred et Farid. J’ai peu dormi mais énormément appris.
Avec Frédérick Lung, mon team de l’époque, on est ensuite partis chez McCann où l’on a écrit des centaines de films Nespresso sous la supervision de Manoelle Van der Vaeren avec qui on a sacrément bien rigolé, mais peu produit. Je m’en suis alors allé faire le tour du monde (moi président, ce serait obligatoire. Un peu comme un service militaire, mais en tongs.) Quand j’en suis revenu, l’excellent Jean-Philippe Martzel était chez DigitasLBI et nous a proposé de l’y rejoindre.
Là-bas, j’ai participé à la création de l’agence interne LostBoys Paris, hotshop créative qui, malgré de jolis succès, n’est pas parvenu à vivre plus longtemps que la mode du mot “hotshop”. C’est là que l’aventure Romance a commencé. J’y ai passé 7 années incroyables, comme rédacteur puis directeur de création. Notamment en charge des fous rires interminables avec Alexandre Hervé.
Et il y a quelques mois, j’ai décidé de me mettre en free.
Depuis combien d’années travailles-tu dans la pub ?
Si je ne m’abuse, ça va faire 18 ans cette année. Me voici donc majeur.
Tu aurais fait quoi à la place de la pub ?
J’aurais tout fait pour gagner ma vie en écrivant des bidules, quels qu’ils soient. J’ai toujours écrit des scénarios à côté. Avec ma co-scénariste Cécile Larripa, on a eu la chance de gagner des jolis prix pour des courts-métrages, des scénarios de séries, et même d’écrire un long pour le cinéma. Un rêve de gosse. J’ai aussi écrit un roman récemment dans l’espoir de me retrouver là un jour : https://www.ferembach.com/cestquilescreas/auteur/roman/
Si j’avais eu à faire quelque chose de mes mains, je pense que le monde aurait été très dangereux, comme dans la campagne FoxSports.
Tu es fan de quoi ?
J’adore la vieille chanson française. Il y avait un tableau de Brassens chez moi quand j’étais petit, je pensais que c’était Dieu. Je n’ai pas trop changé d’avis depuis. Sinon, j’aime beaucoup Ricky Gervais, l’apéro et les chiens.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier ?
Depuis que je suis en freelance, de l’administratif. Beaucoup.
Tu as travaillé sur quels budgets ? Avec qui ?
En 18 ans, beaucoup trop pour que je me souvienne de tous. Quoique : on y met tellement de cœur à chaque fois, même quand c’est pour du saucisson. Je me souviens de mon premier brief, le magazine Elle : la honte intersidérale de raconter de très mauvaises idées à Fred et Farid en bafouillant. De la première campagne-films vendue, pour Paris Match : avoir la certitude que j’allais partir en tournage autour du monde alors que ça s’est finalement fait en stockshots. De la folie à l’agence pendant la compétition Wrangler où Fred Raillard était parti présenter une bonne trentaine de films. (Non, le grand prix à Cannes, c’était pas nous. Nous, on avait fait celui-ci
Chez McCann, Je me souviens avoir tellement écrit de films sur Nespresso qu’à la fin, on a envisagé de sortir avec Fred Lung un bouquin-compilation qui s’appelait “George entre dans la boutique”, un éditeur était bouillant jusqu’à ce qu’il nous demande si on avait les droits… Bah non. Je me souviens aussi très bien des 3 années où l’on faisait les vœux de Maurice Lévy. Ce monsieur est plein d’humour, on le sentait ravi d’être avec de jeunes créas insolents qui commencent leur présentation par : “Soyons honnêtes, vos discours sont chiants. Tout le monde skippe pour aller voir la blague à la fin.”
Je me souviens du tout premier brief chez Romance pour Pokerstars, qui a fait naître une chouette campagne et une belle complicité avec Alexandre Hervé. Et puis Intermarché et Atol, bien sûr, qui m’ont bien occupé pendant 7 ans de ma vie. Et qui me permettent aujourd’hui de répondre à la question suivante.
2 ou 3 choses que tu as faites :
Pokerstars : Pour la rencontre avec le phénomène Rudi Rosenberg:
Rudi qui a aussi réalisé ce film Intermarché pour lequel j’ai beaucoup de tendresse :
Atol : Pour la rencontre avec Adrien Armanet, qui est l’homme qui raconte le mieux les anecdotes au monde, et qui est le meilleur partenaire pour faire des canulars téléphoniques à Rudi Rosenberg:
Je suis aussi assez fier de la ligne “Ecoutez le monde changer” pour Europe1,
Ce film Euromillions.
Et le chouchou, mon tout premier Intermarché : “J’ai tant rêvé”, pour faire la transition avec la question qui suit (Truc de rédac : j’aime quand c’est rangé.) :
Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
Le meilleur souvenir, sans aucun doute, c’est le tournage du film de Noël ci-dessus avec les équipes de Grand Bazar et l’incroyable Katia Lewkowicz. On a vu naître une vraie bande de copains en faisant un film qu’on aimait tous. On tournait dans ma Bretagne, en plus. Le bonheur d’avoir l’impression d’être au bon endroit, au bon moment, avec les bonnes personnes.
Ce fut le premier d’une série suffisamment longue pour que je puisse désormais écrire Lewkowicz sans l’aide de Google. Et vivre des tas d’aventures comme cette fois où l’on avait vendu le script “Jusqu’à mon dernier souffle” au client avant de se rendre compte qu’il n’y avait évidemment pas d’hôpital disponible où tourner pendant le covid (Bravo encore d’avoir trouvé quand même, Juliette Desmarescaux.)
Le pire souvenir, c’est un film pour l’INPES qu’on avait fait avec Aoife McArdle qui était tourné, monté, étalonné…et dont la diffusion a été annulée quelques jours avant le lancement parce que le ministre de la santé avait changé et que le projet n’avait pas été initié par lui. En vrai, le film n’était pas dingue mais on était de jeunes créas et on avait déjà prévenu nos parents de regarder la 2 à partir de 20H30 jeudi en 8.
C’est qui ta génération ?
Je fais partie de la génération qu’on a bassinée en disant que c’était mieux avant, qui bassine les plus jeunes en disant que c’était mieux avant, en attendant qu’ils disent un jour que c’était mieux avant.
Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ?
J’adore les pubs où l’on sent que les créas croulent sous les contraintes mais s’en sortent brillamment quand même. Quand c’est très très très intelligent, et très très très con à la fois.
L’humoir noir me manque :
L’autodérision aussi :
J’adorais débattre pendant des heures à l’apéro de qui méritait LE grand prix :
Et quand les marques de bières se livraient des batailles épiques :
Et je trouve que celle-ci ne revient pas assez souvent quand on doit répondre à cette sempiternelle question :
J’ai l’impression que les grands noms de la pub actuelle ont tous déjà été cités dans les autres interviews. En gros, les mêmes que mes camarades.
Je vais donc plus parler des gens qui m’inspirent pour une autre raison : parce qu’ils te rendent content d’aller au travail un lundi matin de novembre, ou d’aller dans les pires réunions, juste en étant là : Marlène Masseaut, Jean-Philippe Martzel, Nolwenn de La Pintière, Sam Naggar et bien d’autres qui me reviendront à la seconde où j’aurai appuyé sur envoi. Parce qu’on dira ce qu’on voudra, le but de la vie, c’est quand même de passer le plus de bonnes journées possible.
J’ajouterais aussi Jean-Christophe Royer. Je le connais peu personnellement, mais je trouve vraiment chic qu’on parle plus souvent de lui autant pour tous les gens qu’il a aidé à grandir que pour ses géniales campagnes. La classe.
En dehors de la pub, j’ai toujours été fasciné par la simplicité de la poésie de Sempé. En plus récent, j’aime beaucoup Asher Perlman. Quand je suis parti de chez Romance, Julien Bon m’a fait un très joli cadeau : il m’a offert les bédés qui l’avaient le plus marqué dans sa vie. Depuis, j’ai le projet de me faire une culture en romans graphiques, je débute seulement, mais je trouve déjà formidable la diversité des possibilités créatives que ce milieu explore.
Qu’est-ce qui a changé entre tes débuts et maintenant ?
C’est difficile de répondre à cette question sans passer pour un vieux schnock. Au début, j’ai voulu m’en sortir avec une pirouette en répondant “Certainement beaucoup de choses. Mais pas Patrice Dumas.”
Mais Gregory Ferembach m’a rattrapé par le colback.
En constatant que j’utilisais les mots “Schnock” et “Colback”, je me dis que c’est fichu de toute façon alors j’ai réfléchi pour de vrai…
Et ma réponse, c’est “Pas grand-chose”. En fait, j’ai l’impression que depuis que je suis dans la pub, tout le monde dit et redit en boucle qu’on s’amuse moins, que les marques sont trop frileuses, qu’il y a trop de faux trucs, que les prix c’est plus ce que c’était, qu’il n’y a plus assez d’argent, qu’il y a trop de grandes causes… Alors qu’il reste apparemment assez d’argent pour faire des case-studies de plus en plus chers sur des grandes causes de plus en plus petites.
Donc je pense que s’il y a eu un vrai changement, c’est avant que j’arrive (la fameuse époque Vervro, j’imagine) et que le problème, c’est que notre génération a continué comme ça, en s’en plaignant beaucoup, mais sans vraiment faire en sorte de changer les choses.
(C’était plus rigolo quand je faisais des blagues sur Patrice Dumas, pas merci Gregory.)
Un conseil pour réussir dans ce métier ?
Les gens à qui vous présentez vos idées étaient aussi morts de trouille que vous quand ils étaient à votre place. Ils l’ont juste oublié.