Bonjour Ibrahim, quel a été ton parcours étudiant/pro ?
J’ai commencé en stage chez Leo Burnett. J’y suis resté une semaine avant de rejoindre Charlotte et Pépé, un team senior qui m’accueillait à bras ouverts chez Proximity BBDO. J’ai travaillé avec eux pendant un an puis je suis allé chez La Chose qui venait de se monter. J’y suis resté 10 ans. 7 ans en tant que concepteur-rédacteur puis 3 ans en tant que Directeur de création.
Et avant le premier stage tu as fait quoi ?
Avant la pub j’ai travaillé pendant quelques années pour une boîte spécialisée dans l’évènementiel et le street marketing qui s’appelait M Communication. Grâce à eux, j’ai fait une grande partie des festivals musicaux français. Ensuite la boîte s’est mise à bosser pour Playsation et je me suis retrouvé à faire un job assez génial qui consistait à présenter toutes leurs nouveautés pendant des évènements. J’ai donc eu la chance de faire pendant plusieurs fois la tournée des plus belles plages de France ou encore d’aller en hélicoptère à Monaco pour participer au salon des nouvelles technologies. Je devais avoir 22 ou 23 ans, c’était fou. Je faisais aussi tous les ans les 24h du Mans Gran Turismo. C’était un évènement assez dingue avec les meilleurs joueurs qui s’affrontaient pendant 24h comme les vrais pilotes.
Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Au moment où tu m’as proposé de faire cette interview, ça faisait 9 ans. Maintenant ça fait 13 ans. Pardon Gregory.
As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Au contraire. J’ai commencé dans l’évènementiel et je n’arrêtais pas de me dire que c’était la pub qui m’intéressait. Je fais partie de tous ces gens qui ont baigné dans culture pub. Je regardais l’émission le dimanche soir et je me disais que c’était drôle même si je n’imaginais pas encore en faire mon métier.
Ta femme (Fanny Camus-Tournier chez Ogilvy) est planneuse strat’, le soir à la maison ça débat sur qui de Orange ou Bouygues fait le meilleur film de Noël ?
On s’est rencontré en agence donc la publicité est évidemment un sujet de conversation. Mais on essaie de passer à autre chose lorsqu’on a du temps pour nous.
Ceci étant, j’adore parler création avec elle parce qu’elle a un jugement très éclairé mais aussi parce qu’elle fait un planning particulièrement précieux pour les créatifs. Dans ses briefs, il y a très souvent la phrase qui pourrait être la ligne de ta campagne. J’adorerais bosser avec elle mais je ne suis pas certain qu’elle soit d’accord.
Tu es ‘fan’ de quoi ?
La musique occupe une place importante dans ma vie, dans mon salon et sur mon compte en banque. Je passe beaucoup de temps -jamais assez en réalité- sur mes platines.
Mes parents, qui écoutaient beaucoup de musiques à la maison, m’ont transmis le virus en me donnant une bonne partie de leur collection de vinyles. Au même moment, je découvrais le scratch et les mecs qui me faisaient rêver : Q Bert, D styles, les Beat Junkies…Je me suis donc mis au scratch puis j’ai commencé à mixer dans des bars et des clubs. On a joué régulièrement pendant quelques années au Batofar avant que cet endroit magique ne ferme définitivement ses portes (RIP).
Tu as travaillé sur quels budgets ?
Le Coq Sportif, IKEA, Kronenbourg, la Sécurité Routière, Getty Images, Générale d’optique… et à Pantin je travaille essentiellement sur Peugeot.
Je constate aussi que j’ai une petite collection de marques disparues à mon actif comme Saab, le magazine Serge ou encore Joon.
Parles nous de 2-3 choses que tu as faites :
Chez La Chose, j’avais bossé sur cette campagne pour une association que nous avons accompagné pendant quelques années. Je suis resté en contact avec le fondateur qui est une victime de la route. J’aime bien ce film parce que c’est toujours assez cool d’arriver à mettre un peu de ce qui te passionne dans ton travail (en l’occurrence mon amour des disques). J’ai prêté ma main pour l’occasion
Victimes et Citoyens – La même chanson
J’ai fait cette opé qui nous a valu une shortlist au One Show l’année dernière chez BETC.
Peugeot – the score
Et pour continuer sur la thématique asphalte, ces prints pour la sécurité routière chez la Chose.
Securité routière – Le téléphone peut tuer
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Je prends des cours de batterie depuis quelques mois mais je dois avouer que plus on s’approche de la quarantaine et moins on apprend vite.
Et sinon je viens de passer le test pour faire menuisier chez les compagnons du devoir.
Ça doit être lié à mon grand âge ou à mes quelques années à bosser pour le compte de l’artisanat. Ou les deux. Ou aucun des deux.
Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
J’ai un souvenir bien particulier de mes deux meilleurs moments dans le métier. Le premier, c’est quand j’ai raconté mes scripts à Jacques Audiard. L’homme le plus classe du monde après Georges Abitbol. J’ai profité de chaque instant de cette prod. Je me souviens de tout.
Le second, c’est lorsque j’ai été convié à déjeuner à l’Elysée par le Président de la République avec mes boss de l’époque et deux autres créatifs. Je ne suis pas sûr d’avoir le droit de dire pourquoi on y était mais je peux vous dire qu’on mange bien quand on est Président de la République.
J’ai aussi un « meilleur pire souvenir ». Une campagne shootée par Martin Parr qui n’est jamais sortie pour cause de : « le client s’est fait virer, l’actionnaire se contrefout de votre campagne les mecs. »
C’est qui ta génération de créas, ceux avec qui tu as grandi ?
J’ai grandi dans un couloir à la Chose. C’était assez moyen en termes d’espace de travail qui te procure du bien-être mais très cool pour les rencontres.
À l’époque je mixais régulièrement et je me faisais aider par un gentil mec trop talentueux pour faire mes affiches. Il s’appelait Pierre. Pierre était tellement gentil qu’il a aussi fait le logo de la boîte de ma sœur.
Depuis j’ai arrêté de l’embêter avec tout ça, car je me suis dit que je ne pouvais décemment pas continuer à faire bosser gratuitement quelqu’un qui avait gagné un Grammy Award (Pierre Dupaquier des WAFLA)
Dans le couloir, il y avait plein d’autres créatifs talentueux qui ont tous fait de très beaux parcours dans ou en dehors de la pub : Barbara Soumet Leman, Olivier Aumard… la liste est longue.
Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques (avec les refs stp) ?
À chaque fois que je me lance dans ce type de listes je me dis « ah merde t’as oublié celle-là aussi ». Quand j’étais gamin, mon classique, c’était « gettuppa »
Après, j’ai grandi et Dieu a créé Youtube :
Chrysler – Imported from detroit
À chaque fois que je l’écoute, la voix me donne des frissons. C’est Kevin Yon, un comédien américain avec lequel j’aurais adoré travailler (je crois qu’il est décédé). J’adorerais écrire un texte aussi fort et aussi juste un jour.
Smart ForTwo – Offroad
Nike – Fate
Frissons. Le montage est dingue.
Under Armour – rule yourself
Juste pour la ligne.
The independent – Litany
La voix-off pourrait être un morceau de Mike Skinner. C’est tellement musical.
BGH – Dads in briefs
XBOX Stand off
Et si tu avais utilisé le mot « campagne » plutôt que « pub » dans ta question, j’aurais naturellement commencé par une de ces activations dont je suis très jaloux :
BK – Whooper detour
The Swedish Number
SNICKERS – twitter campaign
NIKE – Nothing beats a londoner
Je ne sais pas combien de fois j’ai regardé ce film
UBISOFT – My life as a NPC
Et sinon, dans le genre rien à voir / insight qui défonce, c’est pas génial ça ?
MARMITE – don’t spread the hate
https://clios.com/awards/winner/72936
Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
Je n’ai pas de modèle mais une très longue liste de gens que je respecte pour ce qu’ils ont réussi à faire. À ce titre, je pourrais citer Georges qui a fait de Buzzman une agence brillante.
En dehors du métier, il y a trop de gens dans ma tête. Je te donne les premiers qui me viennent : Flying Lotus, Pieter Hugo et Seinfeld (parce que je viens de revoir pour la 450e fois « I’m telling you for the last time »).
Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Maintenant plus personne n’arrive à être attentif pendant plus de 10 minutes en réunion.
Un conseil pour réussir dans ce métier ?
Les gens avant l’argent (copyright Derouet / De Dieuleveult)
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