Bonjour Sacha, tu es photographe, quel a été ton parcours ?
J’ai d’abord été Directeur Artistique pendant 15 ans. J’ai commencé avec Phillipe Michel, chez CLM BBDO, une très bonne école. J’ai croisé des gens incroyables comme Tho Van Tran, Lucie Pardo, Philipe Chanet, Pierre Dominique Burgaud, Alain Picard, Laurent Terreau et Pierre Louis Messager. Je suis ensuite passé chez Publicis sur Renault avec Lucie Pardo, Christophe Coffre et Nicolas Taube et Gilbert Scher.
J’ai fait un premier livre à base de photo, puis un second, et j’ai finalement décidé de reprendre mes études. J’ai fait les Gobelins ainsi que des stages en studio. La transition a été un peu douloureuse, mais j’avais un objectif et rien ne pouvait m’en détourner (pas même servir le café a mes ex assistants pendant que je faisais mes classes au studio Rouchon). À force de travail et grâce à l’expérience que j’avais acquis en tant que DA, je crois que j’ai fini par devenir photographe et avoir le luxe d’en vivre.
Aujourd’hui, je shoote pour des campagnes de pub avec mon agent Anne Marie Gardinier , j’expose dans différents pays, et je me lève tous les matins en faisant le métier que j’ai choisi (ce qui était aussi le cas avant).
Depuis combien d’années travailles tu dans le milieu de la photo ?
Dix ans, plus toutes mes années en tant que DA… Longtemps.
Tu as des proches qui travaillaient dans ce milieu avant d’y entrer ?
Pas du tout. Mon père était très créatif, mais il n’en a jamais fait son métier. Par contre j’ai été baigné dans le milieu de l’art. Ma mère était antiquaire 1930, ce qui explique mon goût pour les décors, les meubles, les détails…
Tu as hésité a faire de la photo ? qu’est ce qui t’as donné envie d’en faire ?
Je n’ai jamais imaginé faire de la photo. J’étais DA et très content de l’être. c’est venu a moi sans que je m’en rende vraiment compte. J’estimais qu’il y avait de vrais photographes et que c’était un métier. Petit à petit, à force de faire des photos, c’est devenu une drogue : l’envie de faire des images, d’aller au-delà de les imaginer, j’ai eu envie de les réaliser, d’aller une étape plus loin.
C’est là que j’ai compris que je devais tout apprendre, et que cela me prendrait beaucoup de temps… Mais je suis tenace, et l’envie de faire des images était bien plus forte que les difficultés liées à apprendre un nouveau métier à 35 ans. Je me réveille encore avec cette fièvre de faire de nouvelles images, de trouver des nouveaux traités. Je ne regrette rien.
Tu travailles avec qui et sur quoi ?
Je fini ma prochaine série sur les super héros. Dix mois de boulot, 5 costumières, une équipe de 50 personnes. Un truc de dingue. Vous pourrez découvrir ça lors de l’exposition qui doit arriver prochainement.
J’ai une grosse équipe avec qui je partage beaucoup de choses.
Je me suis entouré de très bons assistants, déco, maquilleuses, casting director, coiffeuses, stylistes et retoucheurs. Souvent issus de la mode.
Selon les boulots, je travaille les gens dont les compétences collent le plus possible à l’idée que j’ai des images.
Ensuite nous préparons, discutons, dessinons, faisons beaucoup de recherches afin d’obtenir le meilleur résultat. Mes photos sont vraiment un travail d’équipe. on s’amuse beaucoup pendant les shoots, et ils sont tous ultra pro. c’est un plaisir de travailler avec eux.
J’ai 2 prochaines séries en préparation: une série de cul, mais décalée, et une série de photos de personnages en situation pour un projet perso qui se nomme « meet my mum »
Parles nous de 2-3 images que tu as faites, comment cela s’est il passé :
J’ai beaucoup aimé travailler sur la campagne Canal Sat avec David Troquier et Lessly Chmil. Nous devions faire deux photos, et si nous avions le temps une troisième.
C’est exactement les conditions avec lesquelles j’aime travailler. David et Lessly ont écouté ce que j’avais à dire, ils m’ont suivis sur tout, mais ils ont aussi apportés un plus aux images; je n’ai pas honte de le dire, sans eux elles auraient été moins bien.
Le décor du baiser est un choix de David. je n’y croyais pas beaucoup. Nous avons essayés, et je pense que c’est la photo la plus réussie.
J’ai eu la même expérience avec Mohamed Barech sur K2R.
C’est toujours compliqué pour un photographe quand tu prépares tout et qu’ensuite, on prend des petits bouts d’images a droite et a gauche pour fabriquer un truc qui finalement ne convient à personne sauf au client. C’est le jeu, je l’accepte.
J’aime beaucoup cette série. Je me suis inspiré d’Erwin Olaf. Je voulais comprendre sa lumière, l’intégrer, et aussi raconter une histoire. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire cette série de Mode. C’est très amusant d’imaginer une image, d’aller faire le repérage, de choisir le décor, les vêtements, les models, de réfléchir à la lumière.
Le jour du shoot tout se met en place. Parfois c’est magique. Cela va au-delà de nos expériences. J’adore ce moment-là. Celui qui va déterminer toute la suite de la série. Je voulais mettre en avant la différence entre deux femmes âgées de 70 ans de différence. La série s’appelle « Age Perfect », les différences sont saisissantes…
Impossible de ne pas parler de cette photo de super Mamika. j’ai bossé en conception avec Marielle Postec. J’aime bien réfléchir à des idées avec un autre créatif. Normalement je réfléchis au concept seul, puis j’étoffe les idées avec des AD. Marielle et Mohamed Bareche ont travaillé avec moi sur les images de Mamika. Cette image est une des premières Super Mamika à laquelle nous avons pensé.
J’ai encore le croquis. Mais comment réaliser cette photo sans que cela fasse faux, comment la faire voler sans la martyriser. Nous avons du engager Wonder woman et un très bon retoucheur (Julien Lions) avec qui j’ai fait les premières images de Super Mamika. La pauvre, je pense qu’elle ne s’était jamais imaginée que voler pouvait être aussi pénible.
Le résultat en valait la peine. Aujourd’hui cette image fait le tour du monde.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des centres d’intérêts ?
De la Boxe, du yoga. Je m’intéresse à beaucoup de choses. Mon métier est aussi ma passion, il comporte tellement d’aspects. Je passe mon temps à regarder, des meubles, de la mode, du cinéma… En fait tout ce qui fait de la photo. Je viens de me faire construire une moto de dingue.
As-tu des anecdotes sur la vie en studio ou la relation client ?
Beaucoup évidemment. Ce qui est très amusant c’est quand le client te dit « j’aime tellement votre univers, votre chromie, vos mises en scène » et qu’il te fait faire le contraire contre l’avis de l’agence et des créatifs. J’ai fait une série sur la peinture Flamande en studio avec des animaux dressés. Fauna film c’est occupé de ce shoot. Je travaille souvent avec eux. Nous devions shooter une jeune femme devant un Marabout. Fauna en avait emmené deux dans une grande boîte. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais les deux Maraboux se sont échappés. Mine de rien, ce sont des oiseaux qui ont une envergure d’aile de 3 mètres de large. Ils se sont mis à tourner dans le studio en criant, j’avais l’impression d’être dans Jurassic park 4. Nous avons mis dix minutes à les attraper et 20 minutes à récupérer la comédienne qui était terrorisée. La Photo est incroyable…si vous regardez bien, on voit clairement que le mannequin n’est pas très rassurée…
Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ? et le pire ?
qui t’as fait le plus halluciner ? que tu ne pensais pas faire un jour ?
Mon pire souvenir c’est 17 visuels shootés /6 utilisés, beaucoup de temps et d’énergie pour un DA qui s’en fout et le meilleur souvenir, c’est un fou rire avec toute mon équipe et ma grand mère, mon assistant lui a fait un strip-tease pour la faire sourire, et elle essayait de garder son sérieux. J’ai pleuré de rire, en même temps je shootais. J’ai 1000 autres meilleurs souvenirs…
Je n’ai jamais imaginé me retrouver à Brooklyn avec toute mon équipe et shooter mes deux personnages en costumes au milieu de ces décors de dingues.
Quelle sont les photos qui t’ont le plus marquées ?
Je suis très fan de beaucoup de séries d’Erwin Olaf.
J’aime beaucoup la série d’Irina Werning Back to the Future.
je suis aussi fan de la série d’Agan Harahap sur les Super Héros monté dans des images historiques.
En France, j’aime beaucoup le travail de Cedric Delsaux sur Star Wars, et aussi la série de Jean-Yves Lemoigne avec les jeunes femmes en pixels.
Celle que tu aurais aimé faire ?
J’aurais aimé shooter ma grand mère 10 ans plus tôt pour pouvoir faire plus d’images. Je sais que beaucoup de gens en ont marre, mais pas moi 🙂
Tu as des modèles créatifs, des gens qui t’inspirent ?
Oui, très fan de Bill Bernbach, de Gilbert Scher, de Phillipe Michel et de Rémi Noel.
J’aime beaucoup le travail photo de Rémi.
Sinon je suis souvent inspiré par des architectes comme Mallet Stevens, Chareau, des peintres, je suis fan de l’école Flamande, j’aime les lumières que l’on retrouve sur les tableaux de Rembrandt et de ses contemporains.
Avec qui aimerais tu travailler (modèles, marques, designers, illustrateurs…) ?
Je n’aurais rien contre faire une petite série pour Paul Smith. Je suis en contact avec Mathieu Chédid, et c’est vrai que j’adorerais shooter pour lui.
Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Tout. J’ai tellement progressé. A tous les niveaux. Heureusement d’ailleurs. Je bosse sur des images de plus en plus intéressantes et aussi de plus en plus compliquées. Aujourd’hui, je rentre encore plus dans les détails afin d’avoir une véritable écriture. J’aime beaucoup ça.
Que dirais-tu a un jeune qui veut percer dans le milieu de la photo ?
Je leur dis souvent qu’il faut privilégier les idées avant tout. Une image c’est une idée. Tout doit aller au service de cette idée du décor, en passant par le casting, le stylisme, le maquillage, et aussi les retouches. Il ne faut pas se perdre en route. J’ai appris cela de Philippe Michel quand j’avais 21 ans et ça ne m’a jamais lâché.
Merci Philippe.
Pour plus de photos : www.sachabada.com/site.html