Bonjour Dimitri, tu es photographe, quel a été ton parcours ?
Comme beaucoup de photographes je suis arrivé dans ce milieu un peu par hasard. J’ai d’abord fait des études de sciences. Un jour on m’a offert un appareil photo, le lendemain j’arrêtais la fac. J’avais décidé d’être photographe.
J’ai suivi une école de photo pendant trois mois, cherché le domaine qui me plaisait le plus (reportage, mode, nature morte..) passé quelques temps à l’étranger, Roumanie puis New York ou je faisais des photos, avant de commencer l’assistanat de photographes puis de studio.
Je me suis mis à mon compte en 1998.
Depuis combien d’années travailles tu dans le milieu de la photo ?
Ça fait 15 ans que je suis vraiment dans le milieu de la photo et que j’en vie. Avant c’était plus de l’assistanat ou en faisant des books pour des agences de mannequins. Entre 98 et 2003 les débuts ont été plutôt lents, quelques campagnes mais toujours difficile de gagner les compètes. C’est seulement en 2003, après le grand prix de Cannes (PS2) que ma carrière a vraiment décollée.
Tu as de la famille des contacts proches qui travaillaient dans ce milieu avant d’y entrer ?
Non aucun contacts dans ce milieu avant d’y entrer. C’est au moment ou je suis devenu assistant que j’ai pu me faire les contacts qui m’ont aidé par la suite quand je me suis mis à mon compte.
L’un des plus importants a été une acheteuse d’art, Catherine Mahé, qui m’a permis de rencontrer mon agent Florence Moll (www.fmalebureau.com) et m’a donné ma première campagne.
Tu as hésité a faire de la photo ? qu’est-ce qui t’as donné envie d’en faire ?
Je ne sais pas ce qui m’a donné envie, j’ai l’impression que c’était en moi. Mais oui j’ai eu des périodes d’hésitation, surtout quand la première personne importante à qui tu montres ton travail, un photographe reconnu (mais je ne donnerai pas de nom), te conseille de changer de métier. C’est peut être ce qui m’a motivé !
Tu travailles avec qui et sur quoi ?
Je viens de finir 2 campagnes pour l’étranger, l’une à New York et l’autre à Londres, mais je ne peux pas donner les marques tant que les campagnes ne sont pas sorties.
En parallèle depuis un an je travail beaucoup sur des thèmes perso, sur un renouvellement, un changement de mon approche. Je suis sorti du studio et je travaille au reflex.
Je commence aussi la 3D pour des images perso, mais tout ça prend du temps car je n’y connaissais rien.
Parles nous de deux trois images que tu as faites :
La première image est une photo de la campagne Best Buy que j’ai fait à Los Angeles. Je la trouve drôle et j’aime bien le concept de Super Hero de jeux vidéo qui se retrouve déprimé dans la vie de tous les jours. C’est une photo en studio où je voulais un décor très réaliste, j’ai donc briefé le déco pour qu’il ne m’apporte que des objets qui avaient déjà servis, je ne voulais rien de location, que du 2nd hand acheté sur le net et qu’on pouvait pourrir si nécessaire. Ca limitait les choix, en raison des délais et de la dispo, mais le résultat en valait la peine. Connaissant la provenance du canapé, perso il ne voulais pas y toucher, c’est donc ses assistants qui le bougeaient quand il fallait.
J’ai eu aussi la « brillante idée » le jour du brief déco, environ 10 jours avant le shoot, de lui demander d’acheter des pizzas le jour même et de les garder à l’air libre jusqu’au shoot,
tout ça juste pour avoir de la vraie moisissure. Pour le héro, j’ai proposé de travailler avec un « nain » (correct?), il y a pas mal d’acteurs de petite taille à LA, et du coup ça permettait de donner une vraie personnalité au personnage. Encore un détail, le linge sale dans la corbeille était vrai aussi, c’était celui du déco !
L’autre image dont je voudrais parler est une photo de la campagne Harvey Nichols que j’ai fait à Londres. Ce n’est pas une image techniquement difficile mais j’aime bien ce qui s’est passé pendant le shoot. Avant il y a eu la réunion client où tout avait été validé, le casting, le stylisme et les 3 locations que je devais utiliser. Très bien. Arrive le shoot, je fais les trois images, tout se passe bien. Mais pour la 2e, je ne sais pas, il me manquait quelque chose. Pourtant c’était bien le lieu validé, le stylisme… Sans surprise.
Mais j’avais ma petite idée derrière la tête que j’avais vue le matin en arrivant. Et du coup je propose à l’agence en fin de journée, si il reste une demi heure (sans faire d’over time bien sure!), de shooter autre chose dans une autre partie du lieux, non vu et non validé, et avec un stylisme différent, mais en respectant le concept. En fin de journée j’ai ma demi heure et je shoot cette image. Et c’est celle finalement utilisée à la place de la 2e.
Ce type d’expérience m’est arrivée plusieurs fois et souvent pour des images qui ont gagnées des prix. Tout ça pour dire que parfois avec trop de validations et de timing trop serré sur une journée on se prive de spontanéité, de la vraie photo qui pouvait être difficile à planifier.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des centres d’intérêts ?
J’aime bien partager mes connaissances, je ne considère pas qu’il y ait des secrets à garder, donc il m’arrive régulièrement de faire des interventions dans des écoles. C’est toujours intéressant et ça permet d’avoir aussi un regard différent sur mon travail.
J’aime bien tout ce qui touche au street art, donc la danse, le Parkour, le graf… et je suis depuis 1 an un team de Parkour, je fais des images avec eux mais pas seulement, j’essaie de voir ce qu’ils peuvent faire en vidéo, en photo, ou juste pour les motiver pour qu’ils montent une assos.
As-tu des anecdotes sur la vie en studio ou la relation client ?
J’étais un jour en studio sur un shoot pour une grosse campagne beauté. Mon book se trouvait la par hasard car je ne l’ai jamais avec moi en général. Du coup mon assistant le regarde.
La cliente s’approche et regarde aussi. Puis elle demande: « C’est à qui ce dossier?”. J’étais à coté, je lui répond: « Ben, c’est le mien! Vous avez du le voir pourtant, si je suis là à travailler pour vous! ». Et à son tour de dire: » Non ce n’est pas ce que j’ai vu, mais au moins maintenant je sais pourquoi je vous ai choisi! »
Puis elle m’explique que l’agence avais pris soin, avant la présentation, de retirer toutes les images « hors normes » (de type PS2 ou travaux persos) qui pouvaient la choquer. Mais, que du coup, elle ne comprenait pas pourquoi me choisir moi plus qu’un autre, vu que tous les dossiers qui lui étaient présentés étaient « lisses ». Je pense que parfois il faut assumer ses choix même si ils ne semblent pas évidents au premier regard.
Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ? et le pire ? que tu ne pensais pas faire un jour ?
Des souvenirs il y en a pleins, c’est certainement l’une des plus grandes richesses de ce métier, qui me permet de faire tellement de choses que je n’aurait pas pu faire ailleurs.
Photographier un éléphant dans un studio et pouvoir lui demander ce que l’on veut, et finir soulevé par sa trompe…ou bien être suspendu par la porte d’un hélicoptère, 5m au dessus de l’eau, face à une falaise pour photographier un couché de soleil… voilà parmi les plus hallucinants, même en rêve je n’y aurais pas pensé.
Et le pire c’est quand une campagne ne sort pas, mais heureusement c’est très rare.
Quelle sont les photos qui t’ont le plus marquées, que tu aurais aimé faire ?
En premier les images de Man Ray qui constituent le montage ou les effets spéciaux bien avant Photoshop mais aussi pour le coté expérimental.
Rodchenko pour la construction.
En reportage j’aime beaucoup Christine Spengler qui photographie les vivants pour montrer la mort. J’aurais aimé faire du reportage de guerre si j’avais eu le courage.
Ensuite et plus récemment les images des Guzman avec les premières campagnes Kookaï avec les premiers gros montage Photoshop (petits hommes au service des femmes) mais aussi parce que j’étais leur assistant et que j’ai appris le montage avec eux.
Tu as des modèles créatifs, des gens qui t’inspirent ?
Je n’ai pas de modèles créatifs, en ce moment je cherche mon inspiration dans la rue, la vrai, même si c’est pour le modifier par la suite.
J’aime bien aussi tout ce qu’on trouve sur le net en « home made » qui montre plus une émotion, quelque chose d’authentique avec un coté plus brut plus photographique aussi. La tendance Instagram est aussi très intéressante, avec un retour à l’image « classique » même si elle est numérique elle est traité pour retrouver une
certaine imperfection, des sous ou sur expositions. Ce retour à l’imperfection me semble assez révélateur des envies actuelles.
Avec qui aimerais tu travailler (modèle, marques, designers, illustrateurs…) ?
Il y a un chorégraphe avec qui j’aimerai bien travailler c’est Angelin Preljocaj, j’adore son travail et j’ai toujours aimé le travail sur le corps.
En fait je suis assez curieux et toutes collaboration peut être intéressante, c’est plus le feeling avec une personne qui crée l’occasion. Par exemple, suite à une rencontre, je prépare en ce moment une playlist pour Websynradio, c’est expérimental, ce n’est pas mon domaine mais c’est une nouvelle expérience.
Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Quand j’ai commencé il y avait le tout photo, puis je suis arrivé au tout Photoshop, puis il y a le tout 3D et on va arriver sur un beau mélange de tout ça. Le but ne sera plus de mettre en avant une technique mais de les harmoniser.
Le gros changement pour moi c’est l’arrivé du numérique, qui a mon gout redonne une vraie liberté créative et permet de mélanger différentes sources.
Que dirais-tu a un jeune qui veut percer dans le milieu de la photo ?
Il me semble que le plus important est d’avoir un travail personnel quelque soit le domaine photographique dans lequel on est. Ce travail perso ne doit tenir compte d’aucune tendance ou norme, le but est de se faire plaisir et de trouver son style. C’est aussi ce qui fait évoluer l’image.
Ça permet une respiration et un renouvellement.
La pub, la mode, le reportage…ne doivent pas être une fin en soit parce que l’on dépend de phénomène du moment et parce que c’est eux qui vous choisissent et non l’inverse je crois.
Pour plus de photos www.dimitridaniloff.com/