INTRO
Il y a ceux qui ont les idées, et ceux qui les réalisent, parmi eux, il y a les illustrateurs.
Un monde à part, qui rencontre celui de la publicité pour créer des campagnes originales, parfois primées dans des catégories sur mesure. L’illustration comme moyen d’expression publicitaire soulève des questions auprès des annonceurs. Ce n’est ni le dessin libre des enfants, ni les peintures que l’on contemple au musée. C’est un art appliqué si vaste qu’il déborde dans d’autres cases. Certains illustrateurs vous diront qu’ils sont graphistes, des artistes au sens large ou de simples dessinateurs. C’est un univers que la publicité a complètement investi et pourtant qui lui est parfois complètement étranger. Il y a des maîtres, des mouvements et de nombreux salons.
Notre rôle en tant que DA est souvent de diriger l’illustrateur, mais aussi de filtrer les demandes clients. De protéger l’artiste, de savoir respecter le processus créatif de chacun. Mais eux, qu’en pensent-ils ?
– Jenna
Jenna Haugmard est DA, dans son agence, elle a travaillé avec des dizaines d’illustrateurs. Elle partage régulièrement ses coups de cœur sur le compte insta @he_lo_ilu. Elle est aussi illustratrice, juré illu au Club des DA et au D&AD. Bref, elle est bien placée pour aller à la rencontre de ces créatifs !
Bonjour, quel est ton nom d’illustratrice ?
Malika Favre (un jour, quelqu’un à Londres m’a demandé mon vrai nom et j’ai remercié mes parents en silence… )
Tu peux te dessiner ?
Quel a été ton parcours ?
J’ai commencé par les sciences et, après un très court passage en Maths Sup, je suis entrée à Olivier de Serres en communication visuelle. Un virage à 360 degrés qui peut paraître étrange, mais je dessinais depuis toute petite et cela me paraissait la seule autre option “viable”. Je voulais être DA dans la pub, mais je n’ai finalement jamais mis les pieds en agence.
Une fois le BTS terminé, je suis partie à Londres pour un an, où j’ai atterri en stage chez Airside, un petit studio multidisciplinaire dans lequel je suis restée six ans. Je me suis lancée comme illustratrice à 28 ans, réalisant que c’était finalement ma vocation profonde. Je suis restée 15 ans à Londres, une ville qui m’a beaucoup inspirée et aidée, avant de partir à Barcelone pour une vie plus douce et ensoleillée.
Petite, tu étais fan de qui dans le milieu ?
J’étais très fan de Moebius, Hugo Pratt, Goupil, Hergé, Leloup et Manara (oui, il y avait du Manara à portée de main)
As-tu hésité à faire de la pub ? Si oui, pourquoi ?
Pour ma part, je n’en ai jamais beaucoup fait. Quelques campagnes par-ci par-là, mais cela n’a jamais été mon activité principale. J’ai beaucoup travaillé dans l’éditorial, les collaborations avec des marques et les affiches.
Tu as travaillé pour quelles marques ?
Apple, Vogue, The New Yorker, Penguin Books, Spotify, les BAFTAs, Veja. ( + Steitz, Gianduiotti, Sephora, … )
Est-ce qu’il y a des marques pour lesquelles tu refuserais de travailler ?
Celles pour qui j’ai refusé de travailler : Philip Morris (je fume, mais j’ai quand même une limite), Shell, un labo pharmaceutique, le gouvernement Macron, et une marque de papier toilette (symboliquement, ça me dérange).
Il y en a probablement plein d’autres pour lesquelles je refuserais aussi, mais je prends la décision une fois dans la situation concrète (ou dans ma boîte mail).
Parle-nous du projet dont tu es la plus fière ?
Le poster du festival de Montreux de 2017 est un de mes projets préférés. L’autre serait mes couvertures du New Yorker. Ils ont en commun une grande liberté créative et d’expression personnelle, et le résultat est vraiment sans compromis, ce qui est rare dans le cadre de commandes.
As-tu un outil de prédilection ? (gouache, crayons de couleur, iPad… les deux, les trois…)
Illustrator et le vecteur. Une petite tablette graphique, un grand écran et une collection complète de Pantoniers.
Quel est la pire chose à demander à une illustratrice ?
Le pire restera toujours pour moi cet email qui te demande de mixer les trois propositions que tu as faites pour le client. Rien de bon ne peut sortir de ce type de mélange. Le manque de courage et de prise de risque est ce qui me frustre le plus dans les travaux de commande.
C’est quoi le brief idéal ?
Un brief intelligent, clair, mais ouvert, qui laisse de la place à la vision de l’illustratrice.
Quels sont les illustrateurs/trices que tu admires ?
Clément Thoby, Christoph Niemann, Chris Ware, Kikuo Johnson, Ana Popescu, Lesley Barnes, Leonie Bos, Aurore de La Morinerie, et tant d’autres…
Et enfin, un conseil pour “prendre du plaisir” dans son métier ?
Je dirais qu’il faut beaucoup s’écouter tout en étant généreux, arriver à dompter son ego tout en le maintenant vivant. C’est un savant mélange qui requiert beaucoup d’énergie, mais qui me paraît essentiel pour ne pas se perdre.
Pour en découvrir + voici son insta :