Matthieu Elkaim
Président
ECD
Ogilvy Paris
INTRO
Si je n’avais pas été créatif, j’aurais été planneur. J’ai souvent dit ça. Et je le pense encore.
On entend régulièrement que les bons créatifs sont de bons planneurs. Mais au fond n’est-ce pas un peu normal ?
La stratégie, c’est le cœur de notre métier après tout. Le socle. La base. Le point de départ de toutes les grandes campagnes. Une très bonne stratégie transcendée par une grande exécution, c’est le must.
Mais une très bonne stratégie sans l’exécution qui la transcende, c’est déjà quelque chose.
Un message. Un point de vue. Un regard. Une réflexion. Un propos. C’est l’intelligence.
L’intelligence d’une marque, d’une entreprise, d’un produit, d’un service.
C’est ce dont notre métier a toujours eu besoin. Ce qui le rend respectable.
Auprès des consommateurs, des citoyens. Et bien sûr auprès des annonceurs.
C’est ce pour quoi ils ne discutent que très peu nos tarifs. L’intelligence.
Je crois qu’au fond, c’est la stratégie qui m’a fait aimer ce métier, qui m’y fait croire encore.
En fait je vous envie les planneurs, j’aimerais bien être à votre place, je crois.
John Hegarty disait que la ligne d’un bon brief doit pouvoir faire un bon poster.
Je voulais absolument placer une citation dans cette introduction.
Ça fait intelligent.
12 plannos : Léoda Esteve (Marcel), Edouard N’diaye (Sid Lee Montréal), Alexandra Mimoun (Publicis Poke Londres), Benoit Clavé (Romance), Corentin Monot (Accenture), Valentin Lefebvre (Betc), Anaïs Guillemane (W&Cie), Rui Ferreira (Saatchi&Saatchi Londres) , Odile Song (DDB), Guillaume Martin (Oliver), Wallis Michel (Steve) et Alexandre Honoré (Ogilvy) nous racontent d’où ils/elles viennent et ce qu’ils/elles pensent du métier de Planneur/Planneuse Stratégique.
(Vous pouvez (re) lire la partie #1 de ce dossier ici https://www.ferembach.com/cestquilescreas/dossier/cest-qui-les-planneurs/ de sept 2018 avec les interviews de Scherrer, Levy, Galleriu, Allary, Genty, Wise, Camus-Tournier, Chauvin, Guitz, Roux, et Bavon.)
« Truth, Lies, and Advertising: The Art of Account Planning de Jon Steel, qui est pour moi la bible »
Edouard N’diaye ● Sid Lee Montréal
Bonjour, comment tu es arrivé à ton poste actuel ?
Comme beaucoup de planneurs, je suis arrivé à ce métier de manière assez improbable !
À l’origine, je me destinais à devenir Handballeur professionnel. Depuis l’âge de 12 ans, je suis passé par toutes les étapes de la filière de haut niveau de ce sport en France : du sport étude au lycée jusqu’à me retrouver aux portes de la première division en centre de formation au sein d’un club professionnel à Chambéry. Mais en m’apercevant que je ne deviendrai surement pas le joueur que je rêvais de devenir et que cette vie relevait plus du rêve de gosse que d’un métier qui me rendrait pleinement heureux, je me suis décidé à chercher une profession qui me correspondrait mieux.
Je me suis donc retrouvé à 22 ans avec quelques crédits validés en Langues Étrangères Appliqués (licence que je menais en parallèle du hand pour rassurer les parents) et sans véritable plan de carrière… Par chance, à cette époque je regardais Mad Men et ça a révélé une attirance que je pense toujours avoir eu pour la publicité et les marques. C’est ainsi que je me suis retrouvé à l’ISCOM à Paris.
Assez rapidement j’ai su que je voulais faire de la stratégie. Tout d’abord parce que ma phobie du téléphone a court-circuité à toute velléité de devenir commercial. Et surtout, car depuis tout jeune, j’ai toujours aimé mettre mon nez – pour ne pas dire geeker – dans des sujets qui me sont tout à fait inconnus.
J’ai commencé le planning stratégique chez Marcel pendant un an et demi en stage puis en alternance avec les très inspirants Nico Levy, Ghislain Tennesson, Severine Bavon et Benoit Clavé.
Ensuite j’ai rejoint Buzzman. J’y ai travaillé sous la direction de Clément Scherrer et Julien Levilain, des personnes aussi brillantes et bienveillantes qu’exigeantes sur le rôle de la stratégie dans la construction de marques qui respectent les consommateurs.
Là-bas, j’avais deux rôles. Le premier, sur des stratégies de marques et publicitaires pour des comptes comme PMU, Huawei, Diesel ou Oreo. Le deuxième au sein de Productman, l’entité de design et d’innovation de Buzzman, où je menais la stratégie aux côtés de Loic Cessot et François Phan. À la croisée du brand design, du CX et de l’inno, j’ai travaillé sur des projets fous comme la création d’un nouveau concept de magasin pour le groupe Casino, la redesign de l’experience des salles de sport Easy Gym ou encore la création d’une marque d’alcool.
Après 4 ans extraordinaires et un rapide passage chez AKQA à Paris, me voici arrivé depuis peu chez Sid Lee à Montréal en tant que « Stratège » sénior.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Sid Lee Montréal est d’une toute autre dimension que les agences par lesquels je suis passé auparavant. J’y découvre une manière vraiment différente de travailler, avec des projets en collaboration avec plusieurs bureaux dans le monde, une hiérarchie plus importante et des process stratégiques un peu plus cadrés. Je dois également m’adapter à la culture si particulière du bureau Montréal où la philosophie Nord-Américaine est saupoudrée d’une vibe bien européenne. Je dois donc naviguer entre deux rives en permanence, ce qui est à la fois challengeant mais très excitant.
Sinon plus concrètement, mon rôle est assez similaire à ce que je faisais chez Buzzman. Je bosse sur des sujets classiques de branding et de pub d’un côté. Et de l’autre, j’ai intégré une cellule au sein de Sid Lee qui accompagne les marques dans la transformation de leur business et de leur expérience de manière créative. En bref, la création et re-création de produits et services, digitaux et physiques avec toutes les disciplines qui composent l’agence : des UX aux architectes en passant par les créatifs.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Je pourrai parler du gain de PMU chez Buzzman, de la victoire en un seul tour et de la folle soirée qui a suivie… Mais je vais partager une anecdote plus proche de l’activité de planneur.
Productman avait été mandaté par un grand groupe européen de Brasseurs pour repenser complètement une de leur bière, de la marque au liquide. Cette bière était en pleine perte de vitesse et la raison à cela demeurait un mystère pour le client. Il nous fallait donc mener un focus groupe pour aller à la source du problème, comprendre la relation que les gens avaient avec cette bière et sa catégorie.
Pour nous, c’était impossible de faire ça de manière classique ! Impossible de faire ça dans le 9ᵉ, à 15 h de l’après-midi dans une salle blanche sous des néons en observant le tout derrière un miroir sans tain. On serait passé à côté du problème, c’est certain.
On a donc décidé de louer un énorme appartement à Lyon et d’organiser une soirée pour recréer le contexte dans lequel cette bière et ses concurrentes étaient consommées. On s’est donc retrouvé avec une vingtaine de personnes à l’appart’, une centaine de bières au frigo, de la musique, des membres de l’équipe jouant des invités sous couverture et moi m’occupant du bar. On a fait cela deux soirs de suite et réédité l’expérience à Paris dans la cuisine de l’agence.
Résultat des courses : 1/ les gens sont bien plus loquaces et les insights bien plus fournis après quelques verres 2/ Personne ne comprenait vraiment la proposition de valeur de cette bière, il nous fallait donc clarifier son concept et mieux le relier au liquide 3/et enfin, c’est vrai que les barmans se font draguer !
Je crois qu’on peut dire que c’était le meilleur focus groupe ever, à la fois pour les personnes observées que pour nous l’agence. Depuis, il n’y a pas un mois où je ne pense pas à lancer mon agence d’études contextualisées et alcoolisées. Affaire à suivre.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Sans ordre particulier :
1 – Kanye West. Je suis un véritable fan boy, c’est assez terrible, je n’ai presque aucune objectivité sur ses projets et je le suis dans toutes ses folies.
2 – La NBA. True story, j’ai fait une liste de pros & cons avant de traverser l’Atlantique et de rejoindre Sid Lee. Être dans le même fuseau horaire que les matchs NBA était dans les pros.
3 – Booba. C’est notre Johnny Halliday à nous les millennials. Sa musique, ses punchlines, sa communication, la bagarre à Orly, on parlera encore de son impact sur la pop culture dans 50 ans et bien après sa mort, c’est sûr.
4 – La photographie argentique, je m’y suis mis il y a peu, je découvre, je ne suis pas très bon, je rate beaucoup d’expositions, mais j’adore ça.
5 – Internet. Je suis un gros consommateur de la créativité sur Internet, je passe beaucoup (trop) d’heures sur Youtube et TikTok.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Je pense que notre rôle restera sensiblement toujours le même : observer les humains, comprendre leur réalité, leurs émotions, leurs besoins, identifier les mouvements culturels et créer des stratégies qui résonnent avec cela. Mais c’est plutôt notre champ d’intervention et ses contours qui vont évoluer.
Aujourd’hui marque, expérience et produit sont indissociables. Il y a trop de points de contacts différents et de concurrences sur chaque segment pour qu’on se contente de simplement « packager » de manière cool des produits ou des marques.
L’avenir pour nous est d’appliquer notre savoir faire en compréhension émotionnelle et en créativité sur tous les pans de l’activité d’une entreprise : du modèle d’affaire à la stratégie CRM en passant par le design du produit, de l’expérience physique et digitale ou encore la distribution. Je pense que le mariage entre Accenture Interactive et Droga 5 en est d’ailleurs la meilleure illustration.
C’est une super nouvelle pour nous, la créativité et la marque ne vont plus arriver en fin de chaînes, tout doit être maintenant intégré. Pas de business sans marque, pas de marque sans business.
Du coup, je crois que demain le bon planneur, ça sera la personne qui saura naviguer (sans être expert) entre plusieurs disciplines, tirer le meilleur de tout créatif qu’il soit concepteur, architecte ou ingénieur, et surtout créer des stratégies de marques assez protéiformes et polyvalentes pour qu’elles restent pertinentes et singulières sur tous les points de contact.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Déjà je m’assure que je suis un VRAI curieux. Parce que faire de la stratégie, c’est savoir trouver l’intéressant dans tout, même dans les secteurs et les sujets les moins sexy. Puis ça demande d’être à l’affut de tout ce qu’il se passe dans la culture et même des choses pour lesquels on n’a pas un attrait naturel. Il faut avoir l’envie permanente de s’intéresser et de découvrir les choses qui sortent de notre zone de confort. La curiosité sans a priori, c’est le fuel du planneur.
Puis, je lis « Truth, Lies, and Advertising: The Art of Account Planning » de Jon Steel, qui est pour moi la bible de l’aspirant planneur. On y apprend la genèse de notre métier et ses fondamentaux.
Et enfin, j’essaye de parler à un maximum de planneurs et de leur voler leur intelligence. J’aime à dire qu’il y autant de plannings qu’il y a de planneurs, c’est donc très utile d’en rencontrer beaucoup pour mieux comprendre les contours de ce métier et construire sa propre pratique.
– Edouard –
« La 109ᵉ minute de la finale de l’Euro 2016. »
Rui Ferreira ● Saatchi&Saatchi Londres
Bonjour, comment tu en es arrivé à ton poste actuel ?
Ça a été un chemin plutôt sinueux.
Je voulais être psychiatre, alors j’ai fait Médecine. Ça n’a pas marché. Puis j’ai voulu être prof, donc j’ai fait des Lettres Modernes à la fac.
Puis je n’ai plus voulu être prof et, comme il faut bien avoir un métier dans la vie, j’ai fait des études de communication au CELSA.
Après un stage dans l’éditorial chez Publicis, un autre comme commercial chez TBWA et quelques très belles rencontres, je me suis dit que Planneur, c’était une bonne situation ça. C’était décidé.
J’ai commencé chez Ogilvy en 2014, d’abord en stage, puis comme Planneur, sur de belles marques comme Netflix, Dove et Nestlé, et surtout sous la direction de personnes hautement talentueuses et généreuses comme Alexandra Mimoun, Pauline Desforges, Hadi Zabad et Benoît de Fleurian.
C’est là que je suis vraiment devenu Planneur.
Quatre ans et demi plus tard, j’ai eu envie de tenter le Planning à Londres.
En 2018, j’ai rejoint le département de Richard Huntington chez Saatchi & Saatchi, en tant Planneur Sénior sur de grandes marques anglaises comme Direct Line, Robinsons et Marie Curie. Depuis j’ai été promu Planning Director, puis Planning Partner. Mes parents sont toujours convaincus que j’aurais fait un excellent psychiatre.
Au quotidien, tu fais quoi dans ton agence ?
J’essaie de pointer les gens autour de moi dans la bonne direction.
En identifiant les problèmes auxquels les clients font face, en définissant la meilleure stratégie pour les résoudre, en simplifiant tout ce bordel pour inspirer les créatifs, et en vendant le fruit de notre dur labeur auxdits clients.
Concrètement, ça se traduit par des campagnes qui encouragent les gens à parler de la mort pour Marie Curie ; ou qui montrent que personne ne résout les problèmes comme Direct Line, mais aussi par le développement de nouveaux produits et services qui le démontrent.
Et aussi, je bois des bières au Pregnant Man, le pub de l’agence, mais moins que les Anglais.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
La 109ème minute de la finale de l’Euro 2016.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Alors en ce moment, et dans l’ordre.
La boxe. Oui, pour ceux qui me connaissent, je me suis mis à la boxe. Ne rigolez pas.
Voir des gens en vrai.
Préparer des Qui Veut Gagner Des Millions pour mes amis.
Le soleil. Il me manque.
Et lire des romans d’espionnage. Eric Ambler, je recommande.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Souvent quand on parle des mutations de l’industrie de la publicité, les gens de ce métier adorent nous rappeler le truc qui ne changera jamais: le pouvoir de la créativité, l’idée, vous savez cette étincelle de génie… Mais si, vous savez ce truc qu’ils ont tant de mal à monétiser, tandis que d’autres prospèrent dans la fadeur de leur pensée et leurs costumes trois pièces.
Alors, comme une horloge qui donne l’heure exacte deux fois par jour, ils ont raison sur un point, la créativité, c’est ce qui ne changera pas dans ce métier. C’est l’avantage compétitif. Mais la définition de la créativité, ce n’est pas de savoir faire des pubs que les gens trouvent drôles ou émouvantes. Non, la créativité, c’est de savoir imaginer et exécuter des solutions nouvelles et originales à des problèmes. On est pas des artistes, la publicité est un moyen, pas une fin. Et elle n’est que l’un des moyens.
Demain, une chose est sûre, les entreprises et les marques continueront d’avoir des problèmes, peut-être même encore plus, et il faudra des gens pour les résoudre, et les organisations qui auront réussi à attirer les talents qui sauront mieux le faire, et à mieux monétiser tout ça, seront les gagnants de cette histoire, qu’ils s’appellent Accenture, Adam&Eve ou acracy.
Et mon intime conviction, c’est que ce monde-là aura besoin de Planneurs. Et des bons.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
On dit souvent qu’il y a autant de façon de faire ce métier que de Planneurs, alors je contacte des Planneurs pour discuter de leur vision du métier, et en fonction de ce qui résonne le plus avec moi, je commence par là. Le plus important quand on est jeune Planneur, ce n’est pas l’agence, mais la personne avec qui on le fait. Et j’essaie d’avoir un stage. Parce que le Planning, ça ne s’apprend qu’en observant et en faisant.
Et si un stage au planning, ça ne marche pas, je tente un stage en commercial, et j’essaie (autant que possible) de faire du Planning.
« j’ai cru en MySpace, j’ai proposé des idées sur Second Life »
Corentin Monot ● Accenture
Bonjour, comment tu en es arrivé à ton poste actuel ?
Tout a commencé un jour de novembre à Londres, au 38 Jermyn Street pour être précis et pour les élégants qui lisent ces lignes.
J’avais accepté depuis quelques années mes limites athlétiques, et j’avais donc fait une croix sur une carrière sportive pro…
Ce jour-là, une amie d’amis d’amis, avait gentiment envoyé mon CV créatif au patron du planning d’AKQA pour un stage.
Ils n’avaient jamais eu de stagiaire, je ne connaissais pas vraiment le digital, ni AKQA d’ailleurs et j’avais un niveau d’Anglais que nous pourrions qualifier de scolaire…
J’ai passé un entretien devant 3 planneurs et contre toute attente ils m’ont pris.
On était au début du siècle et j’ai abordé ce stage avec la foi des nouveaux convertis. J’ai écrit pleins de présentations, d’articles de blog, sur la mort des agences traditionnelles, la fin du 30 secondes, l’essor du digital, j’ai cru en My Space, j’ai proposé des idées sur Second Life, des expériences en Flash qui ne tournait que les bécanes des dev…
Bref j’ai vécu à l’heure de l’insouciance digitale. En un week-end l’agence avait recruté 50 personnes avec le gain de Coca pour le monde.
J’ai rencontré mon mentor, Saher Sidhom, là-bas. Il parlait en aphorismes et en métaphores pendant les présentations. Je ne comprenais pas tout mais je trouvais ça assez classe.
Le jour de son départ de l’agence il m’a donné une feuille avec trois conseils :
– Control the crap.
– You are what you edit.
– If you want to write better, read more.
Je vous laisse méditer.
A la suite de cette première expérience, je suis resté en Angleterre quelques années, j’ai travaillé chez Duke à Londres puis chez The Brooklyn Brothers en tant que troisième employé. George Bryant, CSO d’AMV BBDO montait son agence. Je l’avais rencontré lors de l’APG training network (formation des jeunes planneurs par l’APG), il m’a embauché.
J’ai énormément appris pendant cette période, tout le monde bossait autour d’une table commune, créatifs, planneurs, commerciaux, techs… On avançait ensemble sur les sujets, sans process avec beaucoup de fluidité. Quand j’ai quitté l’agence, on avait gagné Range Rover et il y avait 150 personnes.
De retour en France, à la naissance de mon premier enfant, j’ai décidé de me rapprocher de la strat de marque. Je ne voulais pas être cantonné aux déclinaisons digitales. J’avais commencé cette transition chez Brooklyn Brothers et je voulais aller plus loin.
J’ai donc suivi les conseils de mes mentors Anglais, le planning doit se vivre dans la durée et pas avec des coups.
J’ai été embauché comme planneur senior chez TBWA. J’y ai bossé pendant 5 ans sur Cetelem, SNCF, McDo avec le personnage Happy et Michelin.
Pendant mon expérience chez TBWA, j’ai commencé à encadrer des planneurs juniors, j’ai beaucoup aimé transmettre et les aider autant que faire se peut, je suis quand même fils de prof. J’ai donc accepté un nouveau challenge par la suite, je suis devenu directeur du planning chez CLM BBDO. J’ai terminé ce chapitre en tant que Directeur Général en charge des stratégies.
Pendant toutes ces années, j’ai essayé de remonter le plus possible en amont sur les sujets pour ne pas les traiter par un bout, par un fragment, par une discipline mais pour résoudre « le vrai problème. »
Je me suis alors naturellement intéressé à une agence qui se développait, qui en rachetait d’autres et dont le modèle, à l’intersection de la technologie et de la créativité, me parlait beaucoup. J’ai rejoint Accenture Interactive fin 2019.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Trois choses principalement.
Structurer et lancer notre agence créative.
Développer les opportunités business.
Résoudre les problèmes stratégiques de nos clients.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
En 2006, à l’apogée des blogs de planning, j’ai pris part à L’Account Planning School of the Web de Russell Davies, alors directeur du Planning de Wieden+Kennedy.
Son brief était : pouvez-vous trouver un meilleur nom à la mer du Nord ?
J’ai alors tenté une strat avant-gardiste, j’ai mis le cap sur le purpose.
J’ai proposé : Pelamis Sea, comme nom.
Pelamis Wave Power était le nom d’une innovation qui cherchait à créer de l’électricité à partir des vagues de la mer du Nord.
Le Pelamis est aussi un serpent géant dans la mythologie grecque j’ai donc post-rationnalisé une histoire autour du Loch Ness…
J’avais réussi, j’étais sélectionné par Russell parmi les 5 finalistes.
Mon expérience en agence digitale fit le reste. J’arrivais à contourner les Cookies pendant le vote sur le blog et je triomphais largement.
Depuis lors, je suis l’heureux propriétaire d’un exemplaire signé de Blink par Malcolm Gladwell.
https://russelldavies.typepad.com/planning/2006/05/now_called_the_.html
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs (en dehors du taff) ?
Jonah Lomu marchant sur Mike Catt lors de la demi-finale All Black – Angleterre pendant la coupe du monde 1995.
Miguel Indurain fendant l’air sur l’Espada pendant le tour 1994.
(D’aucun me diront que les années Indurain étaient ennuyeuses, c’est vrai mais je n’ai pas choisi de naitre dans les années 80…)
Faire du vélo en écoutant des livres audio. Je me suis longtemps demandé comment rentabiliser les heures passées à pédaler, j’ai trouvé. J’écoute les classiques que je n’avais jamais lus (même si j’ai toujours prétendu l’inverse)
François Sureau. J’aimerais lui ressembler quand je serais grand, mais malheureusement, je ne suis pas hypermnésique.
Observer les trolls sur Twitter.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Je suis plutôt tradi sur ce sujet. Ce n’est pas le métier qui change, mais le contexte qui nous entoure. Les principes de Pollitt et de King sont toujours aussi modernes, toujours autant d’actualité.
La base du planning ne change pas. On analyse un marché, des marques, des concurrents directs ou indirects, comme le dit Jon Steel « on cherche le bon problème à résoudre », celui qui crée de la croissance pas celui qui fait plaisir. Puis on transforme toute cette matière première en brief et en inspiration tant pour le message que pour ses déclinaisons.
Ça, ça ne doit pas changer.
On a tendance à confondre les évolutions de la société, les évolutions technologiques, la fragmentation des médias… et l’évolution d’un métier.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Je m’assure d’être solide sur mes fondamentaux : esprit de synthèse, culture générale, empathie, pensée créative…
Je lis les fondamentaux : Jon Steel, John Grant, Paul Feldwick, Mark Earls, Adam Morgan, Byron Sharp, Binet&Field… J’évite vraiment de lire des livres de strat et de business aujourd’hui mais je pense qu’avoir lu ces ouvrages tôt dans ma carrière m’a aidé à structurer ma pensée. Vous voulez savoir si vous allez vraiment aimer le planning ? Lisez la première moitié de Truth, lies and advertising.
J’essaye de rencontrer des planneurs pour parler avec eux. La plupart du temps ces gens sont délaissés, bien amené, je suis certain que les portes s’ouvriront.
Je me sers des stages pour connaitre le métier de l’intérieur et les différentes cultures des agences.
– Corentin –
« le cœur du métier de planneur, lui, ne changera sans doute pas (comprendre les gens, leurs besoins, leurs attentes). »
Benoit Clavé ● Romance
Bonjour Benoit, comment es-tu arrivé à ton poste actuel ?
Si je remonte le fil (et que je voulais écrire une belle histoire cohérente), je dirais que l’envie de faire du planning a germé lors d’un cours que j’ai eu au collège, au cours duquel notre prof nous a fait étudier une publicité. Mais l’épiphanie, la vraie, a eu lieu dans une université aux États-Unis, au cours de la 3e année de mon cursus à Sciences Po Aix. C’est là que j’ai découvert le mot insight.
À partir de ce moment-là, j’ai contacté pas mal de planneurs pour leur parler de leur métier et… j’ai tenu un blog (oui, ça se faisait encore à l’époque) dans lequel je racontais les pubs qui me plaisaient, les articles que je trouvais intéressants. Personne ne le lisait, même pas mes parents, mais je pense que ça m’a aidé à me démarquer lors de certains entretiens. Et puis j’ai rencontré Guillaume et Ghislain qui m’ont offert mon premier stage chez Marcel (🙏🏼). À partir de ce moment-là je n’ai plus quitté le planning : 4 ans et demi à grandir chez Marcel, FF et maintenant Romance. Trois agences différentes qui m’ont appris une manière différente de faire du planning.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Je fais tout mon possible pour que le business des marques pour lesquelles je travaille soit en croissance.
Que les créatifs soient inspirés.
Et que les planneurs de l’équipe grandissent et continuent à prendre du plaisir à venir travailler tous les matins.
Et parfois j’y arrive.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Ça faisait quelques semaines que je travaillais chez Fred&Farid, quand un jour Farid m’envoie un Wechat pour me parler d’une offre qu’il souhaitait lancer. Pleine période de Noël, personne à l’agence. Je monte une première présentation, que je lui partage. Ça se passe plutôt bien. Après quelques modifications, satisfait, je me dis que le sujet en restera là.
Sauf que, deux jours après il m’appelle et me dit que l’après-midi même, il va voir Sébastien Bazin, le PDG du groupe Accor et qu’il faudrait que je vienne présenter le deck. Je débarque, à 27 ans, au dernier étage de la tour Accor, dans un bureau immense, avec à mes côtés Farid et en face un mec qui pèse plus d’un milliard.
Au-delà de cette histoire – qui n’a finalement rien donnée -, c’est une belle démonstration de ce que j’aime le plus dans ce métier : la possibilité d’avoir accès à des gens fascinants, qui grâce à leur expérience, grâce à leur poste ou tout simplement leur intelligence, te font voir les choses sous un angle complétement nouveau.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Expliquer à mes parents ce que je fais dans la vie.
Expliquer à mes amis ce que je fais dans la vie.
La flûte traversière.
Nice.
Et compter jusqu’à 5.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Cette dernière année nous a démontré que la seule chose qui était sure, c’est que prévoir ce qui va se passer dans un futur plus ou moins proche relevait plus du hasard que de la perspicacité. Mais si je me risque à l’exercice :
Le futur nous amènera peut-être vers une segmentation encore plus forte entre les grosses agences qui deviendront des experts de la data, et – je l’espère – de plus petites agences qui continueront de vendre leur force créative. Une petite frange d’irréductibles qui continuera à démontrer que la meilleure arme pour faire croitre le business de nos clients, reste la créativité (team Les Binet). Mais le cœur du métier de planneur, lui, ne changera sans doute pas (comprendre les gens, leurs besoins, leurs attentes). Cette segmentation, en revanche, entraînera davantage de spécialisations et la manière d’exercer le métier différera encore plus selon le type d’agence choisie.
Ou pas.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Je regarde des pubs en petit-déjeunant, en me brossant les dents, en prenant métro… en ayant toujours en tête la même question : c’était quoi le problème ?
Et lorsque j’en ai marre : je lis. Les cas du CPS, des EFFIE, de l’APG entre autres.
Mais surtout, j’irai parler à un maximum de planneurs. Pas forcément pour leur demander un taff (hélas, il n’y en a pas beaucoup), mais pour discuter de leur métier, avoir leurs conseils, et tout simplement rencontrer du monde. On est une petite famille, finalement.
Tu peux conseiller des livres sur le planning ?
Voici de grands standards :
- Eat your green (Snijders)
- How not to plan (Binet & Carter)
- 100 things every designer needs to know (Weinschenk)
- How brand grow (Sharp)
- Strategy is your Words (Mark Pollard)
– Benoît –
» Je me suis intéressé assez tôt aux mots – pas forcément les grands, plutôt les petits rigolos que j’entendais à la radio »
Guillaume Martin ● Oliver
Bonjour Guillaume, comment es-tu arrivé à ton poste actuel ?
J’aimerais pouvoir te dire que je suis arrivé dans la publicité par le plus grand des hasards, repéré par une légende du métier alors que j’étais G.O. à Punta Cana, ou confié par mes parents désespérés à un oncle directeur de création chez DDBO (à moins que ce ne soit TWA ?) Mon parcours est moins romantique. Je me suis intéressé assez tôt aux mots – pas forcément les grands, plutôt les petits rigolos que j’entendais à la radio. Mais j’étais déjà lancé sur l’autoroute du non-choix, la fameuse voie généraliste. Bac scientifique, classe préparatoire et école de commerce, où mes velléités publicitaires ont été mises à l’épreuve dès le premier jour, quand un professeur de l’ESCP nous a demandé ce qu’on voulait faire plus tard, avant de nous projeter un camembert avec les salaires par métier, sous les rires satisfaits des auditeurs en herbe.
Quant à mon ambition de devenir rédacteur, ce sont les stages qui l’ont ébranlée. Loin d’imaginer qu’on pouvait présenter un book sans trop savoir dessiner, j’ai postulé chez BETC, où on m’a placé au service commercial, et beaucoup demandé de qui j’étais le fils. J’ai ensuite officié au service stratégie publicitaire chez Renault, et assisté avec grand intérêt à des présentations par les planners de Publicis, qui m’ont finalement accueilli sur les Champs-Élysées pour mon stage de fin d’études. J’ai signé mon premier vrai contrat de planner chez Ogilvy, où j’ai passé sept ans, avant d’entamer une tournée des acronymes chez D, D, B, B, B, D, O, B, E, T et C. J’ai rejoint Oliver (dont le fondateur ne s’appelle pas Oliver) en 2021.
Au quotidien, tu fais quoi dans ton agence ?
Je suis Directeur Général et Chief Strategy Officer d’Oliver, qui se consacre exclusivement à la création et la gestion d’agences intégrées et dédiées aux marques, pour qui nous créons et produisons du contenu marketing (publicité, social media, CRM, sites web, apps, etc.) Ce modèle « in-house » se développe très rapidement en France, avec tous les bénéfices de transparence, de flexibilité, de compréhension de la marque et bien sûr d’optimisation des coûts qu’il apporte.
Mon rôle est de nourrir cette croissance et de la rendre la plus harmonieuse possible, en trouvant les meilleurs talents, en accompagnant nos clients dans l’implémentation du modèle, en développant une culture interne, en collaborant avec les autres expertises du groupe You & Mr Jones et bien sûr en travaillant au quotidien avec toutes nos agences sur la réflexion stratégique et créative. La fameuse voie généraliste.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
J’ai vécu le fiasco de Knysna de l’intérieur, alors que je travaillais pour la Fédération Française de Football. Avec beaucoup d’informations confidentielles et quelques moments de solitude, comme quand j’ai dû aller exposer ma recommandation (ne plus montrer les joueurs pendant un moment) à des partenaires ayant aligné beaucoup de zéros pour utiliser leur image. Jamais inutile de se voir rappeler sa position de petit connard de publicitaire.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffes ?
J’aime être sur l’eau. Sur toutes sortes d’embarcations de 2 à 10 mètres. Ça fait bien plus que 5 trucs à kiffer.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
La technologie va se mettre au service du marketing. Les scripts pondus par les intelligences artificielles seront toujours aussi nuls (les grands créatifs peuvent dormir tranquille), mais de nouveaux outils nous permettront de produire une quantité toujours plus grande de contenus, plus rapidement, avec des process plus fluides. Nous aurons évidemment toujours besoin de planneurs pour garantir leur pertinence et leur fidélité à la marque. Mais nous aurons aussi besoin d’experts de la data, de l’UX, du e-commerce, de la blockchain, etc. qui travailleront tous ensemble, au sein d’une même entité, pour aider les marques à se transformer.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Prenez le temps de lire. Des ouvrages sur la publicité (Ogilvy, Bernbach, Philippe Michel, John Hegarty), le planning (Jon Steel, APG, CPS), l’efficacité (Les Binet et Peter Field, James Hurman), les marketing sciences (Byron Sharp), les sciences comportementales (Richard Shotton), le copywriting (D&AD The Copy Book, Luke Sullivan). Vous comprendrez comment naissent les idées, et comment les rendre plus efficaces.
Prenez le temps d’écrire. Et d’apprendre à ne faire aucune concession sur la structure, le choix des mots, la syntaxe, le rythme. Beaucoup vous trouveront pénibles, les autres vous remercieront de les avoir aidés à articuler leur pensée.
Construisez-vous une culture publicitaire (ça n’est inné chez personne). Vous ferez la différence en entretien et parlerez le même langage que les créatifs. Vous saurez que vous êtes sur la bonne voie quand on vous appellera pour retrouver la trace de « mais si, tu sais, une campagne pour une marque de voiture, anglaise je crois, avec un gars imbuvable au volant et on comprend à la fin que la marque se moque de la concurrence ».
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(NDLR : voici 2 threads twitter de Guillaume qui compile un TOP 50 des meilleurs films de pub de tout temps :
Automobile : https://twitter.com/Guimartin/status/1206918221447802882
Bière : https://twitter.com/Guimartin/status/1280807602604171265)
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Trouvez-vous un mentor, pour plusieurs années. Il fera tout pour vous voir grandir et devenir meilleur que lui.
– Guillaume –
« C’est souvent au cours d’une conversation qu’on va mettre le doigt sur l’insight qui peut faire la différence pour un client »
Wallis Michel ● Steve
Bonjour, comment tu es arrivée à ton poste actuel ?
Après un bac L, j’ai opté (un peu par défaut, un peu par intérêt) pour le droit international. Mais je me suis vite rendu compte que le droit, ça manquait cruellement de créativité. Alors, après plusieurs stages (en édition, en post prod…) et ma licence en poche, j’ai bifurqué en master communication à Sciences Po Paris, dans la section internationale (pour avoir une majorité de cours en anglais – j’avais très envie de bosser à l’étranger). Le master formait à la fois aux métiers de la pub, de la comm’ et des industries créatives. Au départ, j’étais plutôt tentée par l’édition ou la production télé, mais les cours qui m’ont le plus passionnée étaient ceux de stratégie publicitaire. Naturellement, je me suis tournée vers les agences.
Je suis d’abord passée par BETC au commercial et, même si c’était une expérience hyper formatrice, j’ai pu confirmer mon intuition de départ : c’est de la stratégie que j’avais envie de faire. Heureusement, mes boss l’ont compris et m’ont donné pas mal de sujets plus strat. Et surtout, ils m’ont aidée à partir bosser à New York chez Cake, sous la houlette de Thomas Minc, qui y dirigeait le planning. Là-bas, j’ai beaucoup appris sur le social media, la content strategy, les activations. Les Etats-Unis avaient un gros coup d’avance sur le digital, tout allait vite, et aussi, j’adorais bosser en anglais.
Comme je voulais continuer à m’imprégner de culture anglo-saxonne (et à bosser en anglais), une fois mon diplôme en poche, je suis partie à Londres, où (recommandée par Thomas) j’ai décroché un job chez Havas. J’y ai passé presque quatre ans, d’abord au sein d’une équipe de Content Strategy (où j’ai continué à faire beaucoup de social), puis au planning plus élargi. J’y ai énormément appris. Il y avait beaucoup de planneurs, avec des compétences et des manières de bosser hyper différentes, et beaucoup de bienveillance pour faire grandir les équipes.
Et puis, il y a 3 ans, j’ai eu envie de rentrer à Paris et d’essayer le planning dans une plus petite agence. J’ai rencontré Guillaume Lartigue, Grégoire Soufflet et Laure Lagarde chez Steve. J’avais l’expérience pub et retail qu’ils cherchaient, ils avaient la passion et l’envie que je cherchais – c’était le bon match. Je les ai vus un mardi soir et je commençais le lundi d’après, direct sur un pitch. C’était sport !
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Je partage mon temps entre le planning pour une partie des clients de l’agence et le new business, sur lequel je bosse beaucoup avec Nicolas Levy, qui a rejoint Steve début 2021. Concrètement, ça veut dire prendre des briefs client, les challenger avec le reste de l’équipe, faire des recherches, chapeauter le travail des plus juniors, essayer d’anticiper des problématiques futures, écrire des briefs créatifs, briefer des teams, suivre le travail créatif et s’assurer de sa cohérence avec la strat, écrire des recommandations stratégiques, préparer des workshops, et bien sûr aller en présentation client.
Chez Steve, le planning se fait de manière hyper collaborative, on aime discuter entre nous des sujets, mais aussi bosser main dans la main avec l’équipe new biz, et on implique beaucoup les commerciaux et les créatifs. C’est souvent au cours d’une conversation qu’on va mettre le doigt sur l’insight qui peut faire la différence pour un client, et c’est notre rôle de mener ces conversations, de faire avancer la réflexion, pour en distiller les idées les plus justes, les plus impactantes, et bien sûr les plus efficaces.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Au début du premier confinement, on bossait sur le pitch Parc Astérix. C’était un pitch qu’on voulait absolument gagner, qui collait parfaitement à l’ADN culture pop de l’agence, qui nous ressemblait. Forcément, à cause de la situation sanitaire, ce qui devait être une course de quelques semaines s’est transformé en un marathon de plusieurs mois. C’était difficile d’adapter la cadence, de bosser sur ce sujet passionnant loin les uns des autres, de ne pas se laisser envahir par le doute, bref, de tenir.
Mais l’équipe n’a rien lâché, toute l’agence s’est serré les coudes, on a tenu, et on a gagné ce pitch juste au sortir du confinement. C’était le symbole d’un nouveau départ. Pour lancer notre collaboration, les clients ont invité au parc toute l’équipe qui avait bossé sur le sujet : on était une vingtaine à enfin se retrouver, à rigoler, à faire les fous tous ensemble, à hurler dans le Tonnerre de Zeus, à prendre la pose avec Astérix et Obélix… Après des mois sans se voir en vrai, c’était une merveilleuse (et bien méritée) bouffée d’air frais.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Le karaoké. Se défouler en chantant Like A Prayer très fort dans une petite salle, un micro dans une main et un cocktail dans l’autre, franchement, il n’y a pas mieux (bonus points si ça se passe au Japon, en déguisement, et qu’il est 4h du matin).
Faire la cuisine. Inventer des recettes, imaginer des mariages de saveurs, chercher de nouveaux ingrédients, passer des heures à faire quelque chose de mes mains, ça me change totalement les idées et c’est hyper enrichissant.
L’astrologie. Pour moi, c’est un fantastique outil d’introspection et de connaissance des autres. En soirée, je suis toujours en train de faire les thèmes astraux de tout le monde.
La photographie argentique. Prendre des photos uniques, qui ont une dimension matérielle, et découvrir ses clichés plusieurs jours, semaines voire mois après les avoir pris, quand on les a presque oubliés : c’est génial.
L’anglais. Le parler, le lire, l’écrire. C’est une langue très directe, sans chichis, qui se prête aussi bien à la musique qu’à l’argumentation, et j’en suis une vraie nerd.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
De plus en plus de clients se tournent vers les agences et en particulier vers le planning pour bien plus que de la publicité ou de la communication : ils veulent des conseils sur leur orientation business, leur marketing, leur expérience utilisateur, leurs services, leurs produits… Dans ce contexte, le métier de planneur est déjà en train de changer : pour trouver les meilleures solutions créatives aux problèmes des marques aujourd’hui, il faut être un peu un couteau suisse et pouvoir apporter des réponses qui touchent par exemple à la data, au social media, à l’UX. Pour moi, ça veut dire que demain, chaque planneur devra avoir plusieurs cordes à son arc, un set de compétences unique, pour rester compétitif.
Même si les fondations du métier ne vont et ne doivent évidemment pas changer : au fond, ce qu’on devra chercher à faire, ce sera toujours comprendre au mieux les cibles auxquelles on s’adresse, les marques et leurs marchés, pour apporter les réponses créatives les plus justes et les plus efficaces pour le business.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Il n’y a pas une formation reine pour le planning stratégique, ni de « meilleurs profils ». Certains viennent de grandes écoles type Sciences Po, le Celsa ou des écoles de commerce, d’autres d’écoles de comm’ ou de la fac. La plupart ont déjà une expérience en agence, souvent au commercial ou au new biz. L’important, c’est surtout d’avoir vraiment envie de faire ce métier, et de se construire une manière de penser et une bonne culture publicitaire.
Alors d’abord, tu fais tout ton possible pour te confronter à des avis différents du tien, en lisant, en écoutant des podcasts, en te baladant sur les commentaires YouTube ou dans des hypermarchés… Le but, c’est de t’entraîner à te mettre à la place des autres et à comprendre leurs problèmes : au planning, on doit un coup imaginer ce que pense et ressent une mère de famille CSP-, un coup un sénior à la retraite, un coup un étudiant de la Gen Z – il faut avoir envie de bosser sur des cibles qui ne te ressemblent pas et qui ne pensent pas comme toi.
Ensuite, tu fais le fameux exercice du brief inversé : tu essayes de deviner le brief à partir d’une campagne finie. Tu peux commencer par les campagnes primées – ça te permettra d’enrichir ta culture publicitaire – mais c’est aussi intéressant à faire sur toutes les campagnes que tu vois passer, en exerçant au maximum ton esprit critique.
Enfin, tu te perfectionnes en anglais. Le planning, ça vient de là-bas et énormément de notions, d’ouvrages, de cas et d’études sont en anglais – sans compter le fait que beaucoup de clients attendent des présentations in English et que les agences recherchent des candidats qui le parlent couramment. Si tu as la chance de pouvoir partir dans un pays anglo-saxon, fonce ! Les équipes de planning y sont en général plus développées et tu y apprendras énormément.
Tu peux recommander des livres sur le sujet ?
Ceux-ci qui m’ont pas mal aidé :
How Brands Grow de Byron Sharp – hyper intéressant pour comprendre la consommation de masse et repenser ce qu’on croit savoir des marques
Thinking, fast and slow de Daniel Kahneman – un bouquin fascinant qui remet en question toute notre manière de penser et de prendre des décisions
The Data Detective de Tim Harford – très accessible et nécessaire pour apprendre à comprendre et à questionner les statistiques (surtout pour les moins matheux d’entre nous)
Et aussi les super TED Talk de Simon Sinek qui résument en quelques minutes le propos de son livre « Start with Why ».
– Wallis –
« qui eut cru que le « vrai Cannes » se jouait sur une plage publique -pain Bagnat à la main- plutôt que sur un Yacht loué par Google ? »
Léoda Esteve ● Marcel
Bonjour Léoda, comment es-tu arrivée à ton poste ?
Après deux échecs consécutifs, je parviens enfin à rentrer dans la seule école qui m’intéressait vraiment, le CELSA (va savoir pourquoi, avec le recul). Dernière année de master : 6 mois de cours et 6 mois de stage. Je suis un cours qui s’appelle, oh surprise, « planning stratégique », avec Déborah Marino. Bingo, c’est exactement ça que je veux faire, je savais juste pas trop comment ça s’appelait. Déborah met en place chaque année une sorte de concours agence : une journée dans une agence où nous bossons sur une véritable problématique, un client de l’agence, par groupe, toute la journée. On présente une reco à la fin de la journée, par groupe. À la clé : une opportunité de stage dans cette agence.
L’année de mon Master, l’agence, c’est Marcel. Les personnes à qui nous devions présenter, entre autres, sont Pascal Nessim et Nicolas Levy. Autant vous dire que je n’envisageais rien d’autre que de gagner pour pouvoir passer un entretien et obtenir un stage.
Et donc, me voilà en stage en février 2012, chez Marcel. Ont suivies 4 ans intenses à apprendre le métier aux côtés de Guillaume Legorrec, Nicolas Levy, Iona McGregor, Ghislain Tenneson, Olivier Sebag. J’ai eu beaucoup de chance d’apprendre ce métier auprès de ces grands talents, mais également dans une agence différente, déjà en avance sur ce qu’allait devenir la publicité et la stratégie publicitaire.
Quatre ans à travailler sur des grandes campagnes pour Intermarché.
Ces belles réalisations ne m’empêchent pas de passer par la case du syndrome de l’imposteur : et si j’allais voir ailleurs si je suis vraiment faite pour ce métier. Si j’allais me frotter à la crème de la crème de la stratégie, que je considérais anglaise à l’époque. Je quitte Marcel pour Londres, où je vais passer deux ans à bosser chez Grey, sous la houlette de Matt Tanter. Je participe au gain de la compétition Mark&Spencer et je suis responsable de la stratégie food du compte pendant 1 an et demi. Grosse claque, énorme apprentissage, je reviens avec une plus grande rigueur, une approche de mon métier plus théorique, plus carrée, et je me dis que j’ai, heureusement, encore tout à apprendre. Mais la France me manque et la trop grande diplomatie anglaise ne correspond pas à ma façon de travailler.
Pour des raisons personnelles, je dois rentrer en France. Au même moment , Marcel vient de gagner la compétition Meetic et me propose de prendre le poste de planneur senior sur cette marque et d’autres marques internationales.
Il n’y a aucune autre agence qui m’attire plus sur le marché, j’accepte et rentre à Paris. Cela fait maintenant 4 ans, et tout récemment j’ai eu l’opportunité avec Sarah Lemarié (cœur sur elle) de prendre la tête du planning de Marcel. Je m’occupe également du New Business de l’agence.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Aucune journée ne se ressemble chez Marcel, mais globalement :
Je m’occupe de manager l’équipe avec Sarah : deux réunions par semaine pour dispatcher les sujets aux différentes planneurs, juniors, stagiaire et alternante, des réunions pour les aider sur leurs sujets, pour échanger sur leurs briefs/recommandations. Nous travaillons en collaboration permanente avec eux et nous essayons de les faire monter en compétences rapidement. C’est probablement la partie de mon travail que j’aime le plus.
Je m’occupe de mes sujets : les comptes sur lesquels je suis référente stratégique, mais également les compétitions en cours. Le new biz, c’est une autre partie du métier que j’adore. C’est de la stratégie dans la stratégie. C’est un rythme bien particulier, à 100 à l’heure, c’est du management d’équipe pour rester motiver. C’est hyper prenant.
Tout le reste pour lequel on a rarement le temps malheureusement : échanger avec les collègues, continuer à faire de la veille intensive, à se former, à apprendre de nouvelles methodo, et partager tout ça avec l’agence.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Deux. Pendant le succès de la campagne des Fruits et Légumes Moches d’Intermarché, nous avons eu l’opportunité de descendre à Cannes avec l’équipe. Les planneurs descendent rarement à Cannes. Nous ne comprenions pas que nous n’avions pas besoin de payer le rosé, qu’il se passait des choses la journée aussi (qui eut cru que le « vrai Cannes » se jouait sur une plage publique -pain Bagnat à la main- plutôt que sur un Yacht loué par Google ?). Au sortir de ces 3 jours irréalistes, une tonne de souvenirs extraordinaires, beaucoup de fierté et d’esprit d’équipe.
L’autre anecdote/souvenir, peu rationnelle, est le sentiment ressenti lorsque je rencontre un planneur junior. Un profil dans lequel je vois du talent, de l’envie et dans le même temps de la naïveté et de l’insolence (que j’adore). C’est rare de tomber sur ce type de profil, ce qui rend les rencontres encore plus agréables.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Mon fils. Ça remet les choses en perspective, permet de prendre du recul sur plein de choses. L’éduquer pour lui permettre de s’épanouir dans ce monde est ma mission la plus importante. Cheesy AF.
Aller au resto. C’est le kiff, à chaque fois.
La musique electro. Bizarrement ça m’apaise. J’écoute l’album Alive 2007 des Daft Punk dès que je suis un peu stressée.
M’acheter des fleurs. Ça sert à rien d’attendre qu’on vous en offre et de toute façon, ça fait bien plus plaisir quand on se les offre à soi-même.
La cuisine iranienne. Ce que j’aime le plus manger au monde, merci maman.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Je vais dire un mot qui fait un peu peur, mais c’est aujourd’hui ce en quoi je crois réellement et la façon dont nous souhaitons faire évoluer le département stratégie avec Sarah : le stratège de demain sera probablement généraliste.
Je pense que notre boulot, c’est d’être capable d’accompagner une marque sur absolument tous les pans stratégiques :
corporate, RSE, marque employeur, publicitaire, sociale, d’engagement, etc.
Je ne dis pas que nous devons savoir tout faire, mais nous devons être en mesure de comprendre tous ces enjeux, puis de rassembler la meilleure équipe pour y répondre.
Je pense aussi, que la seule chose qui ne doit pas évoluer c’est : garder du bon sens dans notre métier.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Tu fais bien ce que tu veux. Les parcours pour devenir planneur peuvent être très éclectique, ce qu’il faut, c’est : une grande curiosité, du bon sens, un grand intérêt pour les marques (comment elles se construisent et comment elles évoluent) et les gens.
– Léoda –
« c’est donc moi (23 ans, 1m60) qu’on envoie pour la prez devant le comex du Four Season »
Odile Song ● DDB
Bonjour, comment tu es arrivée à ton poste actuel ?
Plus jeune, je voulais devenir interprète, car je parle français, anglais et mandarin (mes parents sont chinois et nous avons vécu à Shanghai de mes 10 à 15 ans). Mais ma mère (visionnaire) m’en a découragée car « demain les machines pourront traduire pour nous » (bien joué Maman).
Après un bac S et un an d’hypokhâgne B/L à Lyon, j’intègre Sciences Po Paris en 2008. En Master, mon choix se porte vers l’École de la Communication de Sciences Po et plus précisément sur le double diplôme « Master Communication & Média » avec l’université de Fudan (Shanghai). En entamant des recherches sur les métiers de la publicité, je découvre celui de planneur stratégique. Ce métier décrit comme étant à la croisée de la sociologie et de la créativité me séduit instantanément.
Début 2012, je postule une offre de stage pour assister Nicolas Chemla, le directeur du planning stratégique chez BEING (une agence du groupe TBWA, aujourd’hui ZAKKA). Zéro expérience, juste beaucoup de motivation (et une connaissance de la culture chinoise, un atout vis-à-vis des sujets luxe internationaux de l’agence). Premiers pas en agence de pub – à travailler principalement sur du Procter & Gamble (Clairol) et du Pernod Ricard (Martell).
En septembre 2012, direction Shanghai pour ma dernière année d’études. Nicolas me recommande auprès de l’équipe de TBWA Shanghai, j’y réalise mon stage de fin d’études aux côtés de Ben Chen, au sein de l’équipe Pernod Ricard Chine (Martell, Absolut…).
Arrive la recherche du premier CDI. BEING Paris cherche un planneur junior, je postule… et je suis (re)prise ! Pendant 2 ans, je travaille de près avec les consultants de l’agence et le département new biz, sur beaucoup de sujets santé (mais pas que).
Début 2015, le site de La Réclame publie une offre de DDB. L’agence cherche un planneur junior, à profil international, pour travailler sur des marques hygiène beauté. Me reconnaissant trait pour trait dans cette description, je postule immédiatement. Après 5 entretiens (RH, planning, commerciaux), je suis prise dans les équipes de Sébastien Genty, en mai 2015 (et j’y suis toujours).
J’ai débuté chez DDB en tant que planneur 100% Johnson&Johnson (marques hygiène féminine et beauté). Aujourd’hui, mes budgets principaux sont Monoprix, Thalys, Glenmorangie, L’Equipe et Amnesty International France.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Trop de réunions et beaucoup de slides Keynotes.
Blague à part, nos missions sont très variées, c’est difficile de synthétiser ce qu’on fait au quotidien. Ça va du brief créa, à la rédaction de recommandation stratégique, à des chantiers plus conséquents comme la refonte de plateforme de marque. En fonction des clients, la mission peut dépasser le périmètre de la « comm classique » et toucher plus au marketing – par exemple, des idées d’offres au sein d’un plan d’action commercial, des idées de concept produit pour les innovations à venir, de l’accompagnement sur les études consommateur. C’est cette diversité de projets qui rend le travail stimulant au quotidien.
Très concrètement, je passe beaucoup de temps avec les équipes commerciales pour peaufiner des présentations clients ou des briefs créa, un peu de temps (pas assez à mon goût et sans doute trop au leur) avec les créatifs pendant les briefs et les plansboards, et j’ai aussi des moments d’échange qui sont très précieux avec les autres membres de l’équipe planning (parce que je peux piquer leurs bonnes idées). Je travaille aussi, selon le projet, avec les équipes du social, du CRM, du new biz, voire parfois avec des équipes DDB à l’international. Enfin, crucial, mais pas évident à trouver, il y a aussi le temps en « solitaire » pour la réflexion et la rédaction.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
En 2013, pendant mon stage chez TBWA Shanghai, le réseau participe à une compétition pour le compte Four Seasons. L’agence lead est BEING Paris, qui a besoin d’un « expert Chine » pour la présentation à Toronto. Mon boss ne peut pas y aller, c’est donc moi (23 ans, 1m60) qu’on envoie pour la prez devant le comex de Four Seasons pour présenter le « Chinese millennial luxury consumer ». Heureusement je suis accompagnée d’une équipe rodée à l’exercice, notamment de Nicolas Bordas et Alasdhair McGregor. La veille de la prez, je répète 3 fois ma partie, transpirante, alors que je suis toute seule dans ma chambre (pas du tout stressée quoi). Dénouement : la prez se passe très bien (pas une goutte de sueur) mais nous ne sommes pas retenus.
J’ai beaucoup appris de cette expérience, mais le meilleur conseil m’a été prodigué par Ben, mon maître de stage : « Don’t be the one with the last version of the deck. Or you’ll be the one making the last minute changes at 2am ». Evidemment, à l’ère d’iCloud et de Google Drive, ce conseil a mal vieilli, mais il fut fort utile pendant un temps.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
1. Manger et faire à manger pour les autres, spammer tout le monde avec des photos
2. Regarder ma mère cuisiner (et tout noter mentalement), plier des raviolis en famille
3. Les cours de cycling Dynamo (et les cours de HIIT depuis le confinement, merci Déborah Tapia)
4. Binge-watcher des séries (la dernière en date : l’Attaque des Titans, chaudement recommandée)
5. Les weekends à la campagne avec les ami.es, comme 99% des Parisiens
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
C’est impossible à prédire. On peut juste se fier à ce qu’on constate comme changements aujourd’hui, à échelle individuelle.
J’ai l’impression que depuis le début de la crise sanitaire en 2020, les clients sont de plus en plus friands d’accompagnement stratégique au-delà de la comm’. Peut-être que l’avenir des agences est à la croisée de la création et du conseil.
Je vois aussi beaucoup de personnes quitter les agences pour devenir freelance, pour atteindre un meilleur équilibre de vie, pour pouvoir consacrer plus de temps à des projets perso. C’est davantage commun chez les créatifs, mais demain les planneurs pourraient, eux aussi, être en électron libre et travailler au projet. Pour la “nouvelle génération”, ce modèle offre une liberté et une flexibilité que les agences ne proposent pas encore (même si le Covid a accéléré certaines transformations, notamment sur le télétravail). Peut-être devront-elles s’aligner sur ce modèle pour continuer à attirer les talents.
Les choses qui, elles, ne changeront pas dans le métier : la nécessité de s’intéresser aux humains, à leurs émotions, de chercher à comprendre les gens. Et la nécessité de la créativité, pour réussir à capter l’attention de ces derniers.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
-S’inscrire à la newsletter Planning Dirty de Julian Cole
-Lire les cas des IPA Effectiveness Awards et des APG Awards (et du CPS bien entendu)
-Écouter le podcast On Strategy
-Suivre sur Twitter (entre autres) : Les Binet, Mark Ritson, Byron Sharp, Group Think, Claire Strickett, Ryan Wallman, APG London
Connaître les dernières campagnes publicitaires, en France, mais aussi à l’étranger, les décortiquer, essayer de deviner le raisonnement qui y a mené.
Contacter les gens qui vous intéressent sur Linkedin, en proposant de faire connaissance plutôt qu’en demandant un stage (le taux de refus est moins élevé 😉)
Cultiver ce qui rend votre profil unique, et savoir le valoriser en entretien : que souhaitez-vous que la personne retienne de vous ? Un bon exercice est d’imaginer ce que vous aimeriez qu’elle dise en parlant de vous : “C’était le/la candidat.e qui …”
– Odile –
« penches la tête sur le côté quand tu regardes une affiche. »
Anaïs Guillemane ● W&Cie
Bonjour, comment tu es arrivée à ton poste actuel ?
J’ai choisi les parcours les plus généralistes jusqu’à ce qu’un jour un métier me parle. Bac S spé maths latin pour un régime équilibré. Prépa pour poursuivre dans la lancée du non-choix, et ce, jusqu’au jour où je suis tombée sur une équipée d’étudiants en école de communication qui m’ont fait découvrir les réflexions à l’œuvre derrière une campagne. Comprendre le problème, détricoter l’image perçue, analyser les transformations d’opinion sous-jacentes, insuffler une idée qui permette de jouer de ses forces et de déstabiliser les acteurs en présences, lui donner chair… Séduite par ce joyeux mélange d’analyse, d’écriture et de création, j’ai intégré une école de communication.
Quelques semaines après la rentrée l’heure était déjà aux TP. Le temps de mon premier stage en agence. Je m’improvisais chef de projet. C’est alors que l’on m’a glissé à l’oreille à l’occasion de mes premiers briefs et autres revues de tendances que derrière ces missions se cachent souvent l’œuvre du planneur. Le mot était lâché.
Qu’à cela ne tienne, après avoir trouvé une voie qui m’intéresse, voilà que je découvre le métier qui m’occupe depuis.
J’ai donc enchaîné les expériences en ce sens, chez Proximity, TBWA G1 puis Centdegres. Après m’être essayée au digital, à la pub et au branding, un ancien camarade de classe, Jérôme Lavillat, me glisse à l’oreille qu’un poste en son agence, l’agence W, mélange à merveille ces différents terrains de jeu que j’ai appris à apprécier.
C’était il y a 7 ans.
Depuis mon métier n’a cessé de changer, tout d’abord, car le changement est au cœur du job (décrocher des nouveaux clients, analyser les évolutions sociétales, aider des marques à se réinventer, en créer de toutes pièces) mais aussi en évoluant de poste et gagnant de nouvelles compétences (monter une équipe et développer une culture commune de la stratégie, réinventer le métier pour accompagner les nouveaux enjeux des marques, participer au développement d’un discours agence).
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
En tant que directrice du planning, j’ai la chance de pouvoir travailler avec des clients passionnés depuis des entreprises du CAC à des patrons de startups. Par ailleurs, je manage une équipe de planners talentueux et développe aussi l’approche de l’agence en termes de stratégie et de nouvelles approches pour accompagner les marques. Dans ce cadre W m’a offert la chance de pouvoir créer des formats nouveaux (podcast, études, édition…), de développer la prospective, de nouer des partenariats avec des chercheurs, par exemple, de mettre à profit mes passions pour nourrir des sujets. Nous faisons un métier à la croisée des chemins entre sciences humaines, business, création, technologie… autant dire que c’est par l’exploration, la curiosité, les rencontres et l’intelligence collective, bref, par la remise en question d’une routine, que l’on peut au mieux relever ces défis.
Ceci étant dit, si j’en viens à la pratique du planning stratégique, voilà comment je décrirais mon quotidien sur les sujets clients.
Je pose des questions à des gens pour savoir pourquoi ils veulent faire ce qu’ils disent vouloir faire, pour comprendre quel est le vrai problème auquel on répond, mais aussi pour comprendre de quoi leur quotidien est fait (un peu comme tu le fais actuellement)…
Je lis beaucoup pour comprendre les tenants et les aboutissants de certaines problématiques, comprendre ce que les gens se disent aussi entre eux au sujet d’une marque.
J’analyse la symbolique que les marques mobilisent, l’imaginaire qu’elles créent. J’interroge d’autres personnes aux métiers différents des nôtres pour enrichir nos analyses, voire les ébranler.
On s’interroge aussi entre nous pour s’assurer que toutes les options ont été envisagées, pour enrichir la réflexion. Et puis je me forge des opinions, sur ce qui est pertinent, utile, différent et qui permettra à une marque de vivre longtemps et d’émerger.
J’écris l’idée pour qu’elle interpelle et qu’elle commence à convoquer des images, des histoires. Après, c’est de l’ordre de l’affinage. On travaille l’idée jusqu’à l’os, on la laisse reposer, on la regarde sous toutes les coutures. Elle prend chair à coup de bons mots, d’images, de sens, de parcours, d’histoires, d’activations…
J’ai la chance de travailler avec des designers, des publicitaires, des architectes autant de métiers avec qui les idées prennent vie de manières différentes et qui nous font nous réinventer.
Enfin le métier de planner c’est aussi celui de porter le projet, de s’assurer qu’il est bien compris, de montrer son intérêt, de savoir entendre les retours et les discuter avec son client.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Si j’ai le souvenir teinté d’abnégation : les charrettes avec pizza, sushi, bières, indien, frichti… et pour les plus exceptionnelles les travailleurs croisés à l’aurore et qui s’apprêtent, eux, à entamer leur journée de labeur.
Si j’ai le souvenir teinté d’émotion : entrer dans un hôtel dont le concept d’offre est né de la réflexion conjointe avec un client et dont nous avons pensé le nom autant que l’identité ou encore l’expérience.
Si j’ai le souvenir teinté de gloire : gagner un client olympique qui fera date dans l’histoire du branding comme de la France
Si j’ai le souvenir teinté d’humilité : les pertes amères et les « on vous a adoré et il fallait trancher. Ça s’est joué à une voix sur 10. »
Si j’ai le souvenir teinté de fierté : les clients avec qui on fait de grandes choses, avec qui on chemine et on fait pivoter à 180° le brief pour proposer quelque chose de radicalement nouveau
Si j’ai le souvenir humain : les belles rencontres, les talents recrutés, croisés, les personnes qui te surprennent par leur pertinence, leurs idées, leur attention, leur passion.
Si j’ai la mémoire courte : mon call de brief sur un sujet avec Baptiste depuis le tarmac de l’aéroport de Kayseri
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Bon pour sortir des grandes catégories type théâtre, de la danse, de l’opéra, la peinture/photo et art contemporain que j’affectionne, mais qui ne diraient pas grand-chose.
Faire les courses pour la première fois dans un pays étranger
Le hip hop, le krump, le gaga (je laisse les curieux googler Ohad Naharin)
Écouter des podcasts en peignant
Écumer les festivals d’art, de musique…
Courir les sites architecturaux et comprendre le dessein qui s’y cache
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
À mon sens, il y a deux courants à l’œuvre et qui se répondent. Le premier, c’est une spécialisation croissante dans des champs d’expertise donnés. Le second, c’est d’accompagner nos clients en remontant la chaîne de valeur et les accompagnant sur une vision plus large que celle de la communication. Prospective, accompagnement à la définition des leviers de différenciation du produit, travail sur les preuves, ces missions vont se développer à mesure que la pression à innover s’intensifie et que le discours de marque doit s’ancrer dans le réel.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Tu penches la tête sur le côté quand tu regardes une affiche. Tu écris ce que tu remarques et tu fais déborder ton application Notes. Tu te demandes pourquoi ce message publicitaire a été choisi, pour qui, pour répondre à quel problème. Même quand un message n’est pas écrit, tu questionnes les images utilisées par les marques, les identités visuelles.
Tu lis de tout.
Tu commences par les classiques du genre (how to plan, Byron Sharp et tutti quanti…) mais tu diversifies. De l’économie bien évidemment à la culture en passant par la tech, en passant par la newsletter de niche, du compte Twitter de VC… En somme, tu travailles tes fondamentaux et tu te perds un peu dans tout ce qui met ton cerveau en émoi.
Et puis tu parles aux gens qui font le métier et tu envoies ton CV.
– Anaïs –
« J’essaie de foutre le bordel autant que j’essaie de le ranger. »
Alexandre Honoré ● Ogilvy
Comment en es-tu arrivé à ce poste ?
Alors, en bon planneur on va essayer de faire bref… (spoiler alert, c’est raté)
L’histoire commence avec mon groupe de rock, à 15 ans, alors que je suis en échec scolaire. Je me rends vite compte que ce n’est pas avec notre (piètre) talent musical que nous allons percer. Je commence donc à mettre en place différents « stratagèmes communicants » et on finit par faire des salles de plus de 500 personnes (ce qui est plutôt pas mal comparé à notre absence de talent). Je réalise que du coup, j’ai certainement plus d’avenir dans la « communication » que dans la musique. Je me mets alors à travailler à l’école dans l’optique de trouver un métier où je peux mettre en place des « stratagèmes communicants » pour d’autres artistes.
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Une mention très bien au bac et un déménagement à Paris plus tard, je débarque à l’IUT Descartes. Je réalise que le métier que je veux faire n’existe pas vraiment et que si je veux gagner ma croute il va me falloir bosser pour des artistes qui ne me font clairement pas dresser les poils. Au même moment un prof extraordinaire, Xavier Sense, me parle d’un métier qui consiste à faire tout ce que j’ai envie de faire, mais pour des marques : et c’est là que le planning est entré dans ma vie (à lire avec une voix solennelle).
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Sonia Mestre (personne extraordinaire) chez Being\TBWA me donne ma chance en stage alors que je n’ai pour CV que mes histoires de groupe de rock.
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Je poursuis en stage au planning de la Young où je fais la petite main sur les newbiz.
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Fin 2016, je débarque dans une agence encore occulte qui vient de chipper Intermarché au nez et à la barbe de Marcel et Publicis. Me voici chez Romance auprès d’un trio de géants, Alex Hervé, Christophe Lichtenstein et Romain Roux. Et c’est vraiment là que tout a commencé (retour de la voix solennelle). Mon premier jour Christophe me balance un Copy-Book et une liste de campagnes à sourcer pour cet article. Je prends claque sur claque. Chaque jour qui suit, je suis Romain à la trace avec les yeux qui brillent, je bois ses paroles. J’écris mon premier brief (enfin 12 versions) et mon premier deck (enfin 25 versions) pour un pitch Pokerstars . La créa est top, ça gagne, ça sort, c’est bien. Putain le kiff, c’est un travail ça ?! Mon stage se transforme en CDD et puis je rencontre Clément Scherrer, puis Fanny Camus-Tournier. Ils ont l’air géniaux. Je les rejoins chez Buzzman.
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Fanny reste juste le temps d’un pitch et s’en va (sniff). Je deviens le présupposé aux mini pitchs et aux petites activ’ pour PayPal ou NRJ Mobile et à côté j’aide Clément sur Boursorama ou BK. J’apprends un autre planning, là aussi j’ai les yeux qui brillent (et le cerveau qui fume parfois). Mais j’ai juste le temps de me prendre quelques (grandes) claques des créatifs et des commerciaux que je m’en vais déjà vers d’autres horizons.
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2018, je débarque chez Marcel au sein d’un planning de haut niveau composé de Leoda Esteve, Sarah Lemarié, Nico Levy, Ghislain Tenneson, Thomas Cleret ou encore Romain Brigner (bisous à tous). Je fais du Meetic avec Leoda, du Act for Food avec Sarah, un peu d’Orange, de Sanofi, d’Orangina, de Google et d’autres trucs de mon coté. Je rencontre encore des commerciaux et des créatifs géniaux. La vie est belle.
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2020, Fanny (vous vous souvenez, l’une des personnes extraordinaires d’un peu plus tôt dans l’histoire ?) a bougé chez Ogilvy pour rejoindre Matthieu Elkaim et Manu Ferry qui s’apprêtent à prendre la direction de la maison. Le projet est faramineux mais diablement excitant, j’ai extrêmement envie de re-travailler avec Fenouille et certains des créatifs et commerciaux géniaux que j’ai croisés précédemment en sont aussi (bisous Crouzman, Julien, Victor, Thibaut….). Et c’est là que j’atterris chez Ogilvy en Mars 2020, depuis mon canap’, en pleine crise sanitaire.
Ah oui et au passage, j’ai foiré le concours du Celsa comme il faut, foiré une année de FAC en sciences du langage puis été déscolarisé… mais finalement j’ai tant bien que mal réussi à négocier un master en sociologie de la consommation et des médias. Mais cette partie est quand même bien moins fun que le reste… (si tenté que le reste soit aussi fun à lire qu’à écrire).
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
J’essaie de foutre le bordel autant que j’essaie de le ranger. J’essaie de contrebalancer mes mauvaises blagues par des bons briefs, mes questions idiotes par des decks intelligents et mon absence de culture générale par ce que j’espère être de la présence d’esprit et du bon sens.
En vrai, entre deux power-naps je m’efforce de me rendre utile du mieux que je peux et de simplifier le travail des autres : que ce soit auprès d’un client qui se pose des questions sur sa marque ou son business, que ce soit auprès d’un créatif qui a besoin d’aide pour craquer une mécanique, ou auprès d’un commercial qui a besoin d’un bon soldat pour partir à la guerre en présentation. Ça peut prendre plein de formes : brief, note, présentation écrite ou orale, mail, workshop… mais l’objet, c’est toujours de définir le bon problème à résoudre puis de formuler et d’articuler un raisonnement qui permet de l’adresser, ce qui demande par essence une grande phase de recherche, d’analyse et de réflexion avant de choisir la bonne direction à prendre.
Mais en fait je crois que je suis un peu planneur « par défaut » c’est-à-dire que si mon apport à l’agence se limitait simplement à mes decks et à mes briefs 1) je serais hyper triste et puis 2) on n’irait pas très loin, car je ne pense pas que ce soit mon plus grand atout. Je préfère voir la chose de manière collective et essayer de m’impliquer au maximum là où je pense que j’ai quelque chose à apporter et tant pis si ça sort de mon « scope » de planneur. Du coup j’improvise beaucoup en fonction des sujets et des gens avec qui je bosse. Je me dis souvent qu’une discussion sur un canap’ vaut 100 fois mieux qu’un deck de 30 slides. Donc au quotidien, je passe beaucoup de temps à avoir des discussions sur des canap’.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Je porte un regard très tendre sur mon passage chez Romance. En quelques mois l’agence a totalement changé et moi avec elle. On devait être 15/20 quand je suis arrivé et ce qui était hallucinant, c’est qu’à mesure que l’agence grandissait, l’exigence ne changeait pas.
C’était fou de bosser avec des gens si forts dans une telle ambiance. Dans une certaine mesure, j’ai le sentiment de retrouver quelque chose de comparable chez Ogilvy en ce moment. On a pris un très gros pitch cette année où on avait l’impression de voir l’agence se transformer à mesure qu’on avançait. Malheureusement, ce fut un échec, mais le genre d’échec qui fait grandir tout le monde. C’est pour ce genre de moment que je fais ce taff je crois, et ça me fait bien kiffer.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs (en dehors du taff) ?
Aix-en-Provence, la plus belle ville du monde.
Ma maman qui, sans le savoir est certainement la meilleure planneuse du monde.
Mes potes qui n’ont rien à voir avec la pub et qui sont les personnes les plus drôles et les plus brillantes du monde (je viens du sud, j’ai le droit d’en rajouter).
Lever mon coude à la terrasse d’un bar et refaire le monde.
Quand l’OM gagne le dimanche soir et que je sais que je vais passer une bonne semaine.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Je suis à la fois extrêmement pessimiste et extrêmement optimiste sur l’avenir de notre métier. Quand je vois la situation actuelle des agences (faibles marges, budgets qui rétrécissent, absence de réflexion long terme des clients, salaires misérables, heures à rallonge, manque de diversité et d’égalité, management archaïque, perte de légitimité auprès des clients, freestyle annuel des prix créatifs…) je me dis qu’on ne peut que se réinventer. De ce fait, j’ai le sentiment que notre secteur va continuer à se polariser encore plus dans les années à venir. La différence sera encore plus marquée entre d’un côté des mastodontes (Accenture, Publicis, WPP…) qui interviendront sur un périmètre plus large, sur l’ensemble de la chaine de valeur, malheureusement au détriment de la création.
Et de l’autre des structures bien plus spécialisées sur un maillon de la chaîne qui n’auront « plus que » la créativité et l’intelligence pour émerger.
Dans ce contexte je pense que les planneurs devront choisir leur camp, entre devenir des super consultants qui seront au cœur du réacteur d’une grosse machine sur toute la chaine de valeur ou devenir des
« pirates stratégiques » qui devront ramener de l’intelligence là où elle n’est pas forcément attendue, mais pas moins nécessaire.
Les deux possibilités sont alléchantes, mais je crois que j’ai déjà un peu choisi mon camp. L’avenir nous dira.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Tu commences par lire, relire et re-relire les conseils de tous les autres planneurs de ce dossier, je crois qu’il y a presque tout. Et après tu te poses la question de ce que toi tu as à offrir et de ce qui toi te fait kiffer. On fait un travail profondément humain, du coup, j’aime bien me demander ce qu’on a en tant qu’humain à apporter dans un brief, dans un deck ou dans une discussion. Le luxe de ce métier, c’est de nous enrichir de connaissances chaque jour, mais c’est aussi à nous de l’enrichir de notre personnalité, de nos convictions et de notre culture personnelle.
Et surtout ne sous estime jamais le pouvoir d’un canap’.
– Alex –
« Tu n’attends pas d’être planneur pour faire du planning. Pas besoin d’avoir stratégie dans ton titre pour réfléchir à tout ça. »
Alexandra Mimoun ● Publicis Poke
Bonjour Alexandra, comment tu es arrivée à ton poste actuel ?
J’ai démarré au planning stratégique chez Naked Communications. Ce qui devait être un stage de 2 mois s’est transformé en 5 ans géniales entre New York et Londres. On inventait le comms planning avec une proposition hyper disruptive pour l’époque – drivée par la data et 100% media-neutral-.
Retour en France. Direction Ogilvy Paris où j’ai pris la tête du planning strat.
Puis j’ai rejoint le Groupe Publicis en 2016. Publicis Conseil d’abord. Et aujourd’hui Publicis•Poke à Londres. Head of planning toujours.
Bref. 15 ans de planning en agence, mais l’impression d’avoir fait mille métiers différents, avec toutes les nuances du planning à l’international et des cultures planning très fortes et très différentes dans chaque agence.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
J’écris. Je lis. Je résous des problèmes. Je raconte des histoires. On me raconte des histoires. Je fais beaucoup de blagues pas drôles aussi.
Ce qui me donne envie de me lever le matin, c’est les grandes idées et les débats sans fin sur la création.
Mon bonheur absolu, c’est une grande salle de réunion avec plein de post-its illisibles. Pas très eco-friendly je sais, mais c’est mon petit plaisir coupable.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Une de mes toutes premières missions planning sur un pitch quand j’étais stagiaire. C’était pour un médicament contre l’épilepsie aux US. J’ai dû compter dans l’annuaire tous les médecins spécialistes en épilepsie. Manuellement.
Etat par état.
Voilà voilà.
Bref. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Et ils ont bien de la chance.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Regarder des dessins animés au lit avec mes fils.
Écouter FIP et découvrir des trucs improbables.
Rater les recettes de Simplissime (oui, c’est possible !)
Boire du rosé en terrasse avec les copines.
Éteindre mon téléphone.
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Le planning stratégique va (et est déjà) très impacté par toutes les grandes évolutions de notre industrie. La technologie, l’IA, la data, la personnalisation à grande échelle ouvrent plein de nouvelles manières de penser notre métier.
Il y a sans doute une partie du job qui sera automatisée demain (et tant mieux) mais la stratégie (la vraie) aura toujours besoin de planneurs.
Je pense qu’avec tout ça, le planning va redevenir fondamentalement stratégique. Il sera beaucoup plus ancré dans le business et les grandes problématiques de transformation.
Avec des écosystèmes de plus en plus fragmentés, de l’incertitude à tous les niveaux, des chantiers de transformation hyper complexes, il faudra savoir faire sens de tout ça, anticiper, simplifier et garder le cap.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Tu observes les gens. Partout. Tout le temps.
Tu essaies d’imaginer les briefs derrière les grandes idées.
Tu cherches un job en agence, peu importe le poste / la discipline. Les meilleurs planneurs strat sont des anciens commerciaux ou créatifs.
Tu n’attends pas d’être planneur pour faire du planning. Pas besoin d’avoir stratégie dans ton titre pour réfléchir à tout ça.
– Alexandra –
« nous interrogeons des dizaines de milliers de personnes dans une quarantaine de pays, sur des sujets sociétaux »
Valentin Lefebvre ● Betc
Bonjour, comment tu es arrivé à ton poste actuel ?
Au tout début, je voulais plutôt me tourner vers le journalisme, donc j’ai fait un parcours classique en prépa lettres. A l’époque, c’est une documentaliste du CDI qui m’avait recommandé plusieurs bouquins dont Mythologies de Roland Barthes, c’est ce qui m’a fait m’intéresser encore davantage à la publicité. Suite à cela j’ai intégré Paris Dauphine en marketing puis le CELSA en communication pour en faire mon métier.
J’ai fait mon premier stage en tant que chef de publicité à Publicis, j’étais dans une super équipe, mais je trouvais que les missions ne correspondaient pas vraiment à mes attentes, et c’est un peu par hasard en aidant des planneurs sur un workshop que j’ai découvert, et adoré ce métier, j’ai poursuivi avec des expériences au planning chez Havas, Grey, et BBDO.
A la fin de mes études, je ressentais le besoin de partir à l’étranger, je suis donc allé à Havas San Francisco dans le cadre d’un « trainee program ». Un an et demi plus tard, l’agence avait décidé de m’embaucher, j’ai donc dû rentrer en France quelques mois pour faire mon visa. Je travaillais à distance pour San Francisco depuis BETC, et finalement je suis resté à BETC.
Au quotidien tu fais quoi dans ton agence ?
Mon temps se divise entre le travail pour mes clients (Crédit Agricole Banque & Assurance, le portefeuille Kinder Europe), des appels d’offre et sujets de consulting que j’ai beaucoup réalisé avec Marianne Hurstel, puis Sébastien Houdusse et Clément Boisseau, sans oublier les nombreuses présentations et briefs calibrés au millimètre avec Guillaume Martin. En parallèle, nous travaillons avec les différents planneurs du réseau havas sur des sujets internationaux, et notamment sur les études Prosumers. Tous les ans, nous interrogeons des dizaines de milliers de personnes dans une quarantaine de pays, sur des sujets sociétaux afin d’anticiper les tendances futures et l’évolution des attitudes, des tensions et des aspirations des gens. Nous réalisons environ 4 grandes études par an.
De manière générale, je trouve que ce métier est assez fantastique dans la mesure où on se questionne constamment sur les gens, les tensions qu’ils vivent, dans la manière créative dont on va leur apporter des réponses, la façon dont se structure le business de nos clients, la valeur que l’on va créer pour la marque. Ça nécessite de savoir prendre du recul et de la hauteur sur les sujets, distiller la réflexion et la complexité pour arriver à quelque chose de très simple et pertinent, des idées stratégiques où il faudra « garder le cap » et défendre tout au long du processus de création.
Tu as une anecdote / souvenir à partager ?
Beaucoup d’anecdotes sur un gros pitch réseau que l’on a gagné il y a quelques années, avec des délais et des scopes improbables qui nous a fait bouger un peu partout, de notre Pantin à Lausanne, New York, Londres, Miami, des super campagnes réalisées, mais qui n’ont pas toutes vu le jour…
Sinon de manière générale, l’un des moments fort de l’année, c’est quand on se rend à New York pour travailler avec les différentes équipes globales du réseau, les planneurs, et les entités d’Havas avec lesquels BETC s’associe sur certains sujets, et que l’on discute des sujets prosumers de l’année. C’est un moment privilégié qui permet de passer des moments en équipe différemment, et de rencontrer les personnes avec qui l’on travaille toute l’année à distance.
Tu peux citer 5 trucs que tu kiffs ?
Apprendre des choses, apprendre des gens
Lire, beaucoup, de littérature et de sociologie
Le running dans Montmartre à 6 h quand le 18ᵉ est encore vide
La cuisine
L’architecture, faire des travaux : j’ai refait mon appartement du sol au plafond, de l’électricité, au plâtre, plomberie, ça m’a quand même pris deux ans, mais ça en valait le coup : https://www.sloft-magazine.com/le-magazine/visite-guidee/un-amour-dappartement-de-36-m%C2%B2-dans-le-18-eme-a-paris/
D’après toi, comment ton métier va évoluer dans les années à venir ?
Je pense vraiment que peu importe le type de sujets, on rentre toujours par le sens.
Le planning stratégique est le métier des gens, l’enjeu sera toujours de résoudre des problèmes du quotidien et certains qui s’inscrivent sur le temps long, de continuer à se poser des questions, d’analyser les choses qui se passent – qui se déplacent en société, de trouver des solutions. Notre métier est crucial, car il nous permet – autant que possible – d’avoir un rôle dans la vie des gens, l’enjeu, c’est donc de ne pas perdre de vue comment leur vie va évoluer dans les années à venir.
Et si comme je le disais plus haut, le planneur est garant du sens, celui-ci va avoir forcément un champ d’action plus large à gérer sur ses comptes, à mesure que les clients étendent le spectre de nos responsabilités. Ce qu’on observe en agence, c’est que le métier de planneur s’ouvre de plus en plus à des expertises variées du côté de la data, de l’UX, de l’engagement, stratégie des moyens, etc.
Le planning ça m’intéresse, je fais quoi ?
Discuter avec des planneurs
Essayer de faire des stages idéalement au planning ou au new business, ou du moins en agence et essayer de se rapprocher au maximum de la stratégie
Je pense que c’est un métier qui demande beaucoup de curiosité, d’exigence, pour comprendre les gens que l’on approche avec de la pertinence pas comme de simples consommateurs, mais leur vie, face à leurs désirs, aux tensions qu’ils traversent, et apporter de l’intelligence, de la créativité et de la beauté dans les publicités que nous réalisons à leur égard. Ça demande donc une bonne culture au sens large du terme, de rester curieux et attentif à tout ce qui se passe.
– Valentin –
Rob Campbell
Head Of Strategy/CSO
Colenso BBDO.
OUTRO
Having lived and worked in many countries around the world, one thing that has always surprised me is how many planners think they not as good as the planners in London. If this was 50 or 60 years ago – when the discipline of planning was born – maybe I’d understand, but now? Nope. The reality is great planning does not belong to a country, nor even to particular agencies anymore. Great planning is in many ways, an individual pursuit. A desire to make great things happen.
To keep growing. To push the boundaries of creativity. To change how people look at the world. To change shit for companies and culture in interesting and valuable ways. As much as there are some amazing planners in the UK, there’s a huge amount who think they’re amazing just because they’re from the country that invented the discipline. They’re not. And maybe that’s why we are seeing so many amazing planners from outside the UK … because they keep thinking they have to keep working hard to be better, where some others think they have nothing left to learn.
Dossier réalisé en aout-septembre 2021 par Gregory Ferembach.