Tout ce que j'aurais voulu savoir avant d'arriver dans ma 1ʳᵉ agence de pub. • C'est qui les Créas ?

– Je veux faire de la pub

Même si cette première idée, je l’ai eu tôt. Je ne savais absolument pas par où et par quoi commencer.
Alors, comme ça ne fait pas bien longtemps que je fais de la pub, autant en profiter tant que c’est frais pour partager ce début d’expérience. Voici donc un article qui va « tenter » de résumer tout ce que j’aurais voulu savoir le jour où j’ai voulu devenir créatif en agence de pub. J’espère qu’il pourra être utile à de jeunes créatifs.

En première partie, un petit défrichement général du métier de créatif, de son fonctionnement et des questions que l’on peut se poser. En deuxième partie, une liste avec des liens utiles, voire indispensables pour se lancer dans sa carrière de créatif.

NDLR : Cet article est orchestré par Antoine Barth

CR OU DA ?

Si on vulgarise, le concepteur-rédacteur (ou CR, ou copywriter, ou rédac) s’occupe des mots et le directeur artistique (ou DA, ou art director, ou A.D) s’occupe du visuel.

Ensemble, ils sont responsables de la conception ainsi que de la production des campagnes publicitaires et forment ensemble un team créatif. Tous les créatifs sont confrontés à ce choix cornélien : devenir CR OU DA.
Si pour certains le choix paraît évident, pour d’autres, il peut être plus complexe. Pas de panique, ça arrive à beaucoup de créas.

Un conseil, si vous hésitiez, serait de ne pas choisir tout de suite. Pendant les études, expérimenter les deux rôles est tout à fait possible. Et, de toute façon, les meilleurs DA sont de bons CR et les meilleurs CR sont de bons DA. On est d’abord créatif et après, CR ou DA. Parfois, des créatifs changent même en cours de route. Alors, autant expérimentez les deux, et plus on se rapproche de la fin de ses études, plus on essaie d’affiner son choix. Fun fact : les DC sont très majoritairement d’ancien CR.

Pour ceux qui voudraient faire les deux, c’est possible, mais c’est assez rare. Il est plus simple d’être « étiqueté » ça permet de savoir où vous mettre, et plein de gens n’ont pas envie de faire les 2.

TEAM CRÉA OU VOLANT ?

En agence de publicité, vous pourrez être amené à travailler en team. C’est-à-dire en binôme CR / DA, sous la responsabilité des Directeurs/Directrices de création (DC). Un team, c’est une véritable relation de couple platonique. Quoique, je connais certains teams qui sont aussi ensemble dans la vie.

Trouver son team est un sujet important et encore une fois, pas de panique si vous n’avez pas trouvé votre âme sœur créative sur les bancs de l’école. Nombreux sont les CR et DA dits “volant” dans les agences. Les associations de créatifs peuvent se faire en fonction des sujets et ça peut être une opportunité pour trouver son futur binôme.

Si vous n’êtes pas en team, vous êtes donc CR ou DA “volant”. Certains peuvent avoir des spécialités comme un DA spécialiste en photo, digital, social media ou craft. On peut parler de “Makers”.

Et évidemment, il existe des exceptions à tout ce que je viens de raconter. Il y a des teams de DA, des teams de CR (plus rare, Axel Orliac et Laurent Dravet par ex) et même des “trios” ou “treams” ou “Triplette” (encore plus rare). Il n’y a pas vraiment de règles. Il faut trouver la formule dans laquelle vous êtes le meilleur et ça, ça ne se trouve qu’en expérimentant.

Petite nuance à garder en tête quand on débute : si vous êtes plutôt branché concept, être en team permet d’accéder plus facilement aux briefs avec de la conception.

FREELANCE OU CDI ?

Le métier de créatif peut s’exercer soit en freelance, soit en CDI. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients, c’est vraiment à vous de décider pour être en accord avec vos envies.

Le freelance à tendance à apporter plus de liberté, le CDI plus de stabilité.
Mais le freelance quand on sort juste de l’école, c’est compliqué d’un point de vue réseau (on n’en a pas) et assurance/expérience (non plus). Il vaut mieux faire quelques années dans une agence pour voir comment ça se passe en vrai.

On peut très bien alterner, voire jumeler les deux durant sa carrière. Il y a même de fortes chances que ça arrive. Pas sûr que ça soit légal, les RH diront clairement non. Disons qu’un DA peut faire du graphisme d’identité en parallèle, tandis qu’un CR peut travailler pour une maison d’édition. Cependant, ce n’est pas la réalité des CDI. En général, c’est pour trouver des idées de film ou pitch pour une autre agence.

Un conseil pour tous les étudiants. Ouvrez un numéro de SIRET (auto-entrepreneur), même si vous avez prévu de vous faire embaucher. Des petits tests en free avec les agences de publicité sont devenus quelque chose d’assez courant. Ça peut aussi être un bon moyen pour vous de tester le travail et le relationnel avec l’agence en question.

Voici un petit bilan de 12 freelances en 2021, vous vous en ferez une idée :

Bilan 2021 de 12 freelances

(warning : c’est tous des séniors, et pour accepter de raconter leur année en général c’est qu’elle s’est bien passée. Il y a un petit biais, ce n’est pas aussi cool pour tous les free.)

LE BOOK

Le book (ou doss, ou portfolio) est ce qu’il y a de plus important pour les créatifs. Vous pouvez sortir d’Harvard ou d’un CAP chaudronnerie, les DC s’en foutent un peu. Ils regardent votre book. D’ailleurs, les bonnes écoles de pub sont celles qui vous apprennent à le remplir de la meilleure des façons.

Dans votre book, tout doit être parfait, donc rien laissé au hasard.

Ce dernier est évidemment en ligne. Vous pouvez faire un site, mais j’ai tendance à recommander behance/squareqpace/insta. Simplement pour éviter de perdre trop de temps à mettre en place le site. L’important, ce sont vos projets et leurs contenus, pas le site en lui-même. Si vous faites quand même le choix du site, faites quelque chose de simple et direct, pas un truc avec 15 onglets et 23 classifications.

Pour remplir son book, vous allez obligatoirement faire des publicités fictives et c’est bien normal. Trouvez des idées qui se déclinent sur plusieurs supports. Montrez que vous n’êtes pas coincé dans un média.

J’apprécie beaucoup l’affichage. Le print c’est l’exercice de concision conceptuel. En termes de maquette, c’est ce qui peut le plus ressembler à une véritable pub quand vous n’avez pas de moyens de production (aka les centaines de ghost Cannois sud-américain).

Pour les activations. Optez pour les planches A3. Vous tapez “A3 BOARD CANNES” et vous aurez quelques milliers d’exemples.

Concernant les films, c’est souvent très difficile d’avoir des films produits dans son doss quand on débute. Vous pouvez tenter de mettre les scripts, mais sachez que ceux de + de 5 lignes sont rarement lu. Cherchez des idées rapides à comprendre et simples à visualiser. Vous pouvez aussi tenter de les illustrer si vous êtes pote avec un roughman.

Si vous avez une passion ou des projets persos, ils peuvent aussi avoir leur place dans votre book. Donc si vous êtes un peu photographe, peintre, auteur ou encore sculpteur sur glaise, ne vous en privez pas.

Attention aux idées qui peuvent ressembler à des campagnes déjà sorties. Attention aux books identiques entre camarades de promo. Aussi, évitez les annonceurs qu’on a déjà vus mille fois comme Tabasco, les marques de préservatifs ou les Post-it.

Un DC cherchera d’abord à voir si vous avez les bases. Puis, il regardera la qualité de votre craft/conception et il cherchera l’inédit.

Un ami en agence me racontait qu’il avait recruté une DA car elle était venue présenter son book entièrement réalisé à la gouache. Un bon créatif, ça sait sortir du lot. Il faut donc arriver à sortir du lot (et être fort en gouache) contre plein de gens qui veulent sortir du lot.
Bon chance.

Concernant le nombre de projets, les gens du métier ont tendance à dire 9 projets. C’est effectivement un bon début. N’en mettez pas 24, il faut savoir sélectionner, c’est aussi une partie du métier, « le mieux est l’ennemi du bien » (mon gars Montesqieu)

Pour vous aider à trouver l’inspiration sur la présentation de votre book, allez faire un tour sur Behance, dans la catégorie “advertising” :

https://www.behance.net/galleries/advertising

Un profil Linkedin c’est fort utile, même quand on est étudiant. Suivez les agences, les médias et les gens du métier. C’est un très bon outil de veille quotidienne. Et si vous n’avez rien à dire dessus, hé bien ne dites rien. En revanche, un petit post sur votre dernière campagne, même fictive et dont vous êtes fier.e, ça fait toujours plaisir.

L’ANGLAIS

Et oui, you need to speak english. Déjà parce que sinon, vous allez passer à côté de pleins de pubs internationales et ce serait bien dommage, mais aussi parce qu’un jour ou l’autre, ça vous fermera des portes. Même dans une petite agence franco-française. Par exemple, pour parler à un réalisateur étranger, lors de la production d’une campagne.

LE SALAIRE

La thune. Ça c’est peut-être un des sujets les plus obscurs quand on débute. Personne ne veut trop en parler et c’est aussi très français.

Je vais me risquer à dire quelques chiffres. C’est plus une moyenne sur mon ressenti en parlant à droite et à gauche, mais dites-vous toujours qu’il n’y a pas de règles.

Déjà, il va falloir apprendre à parler en annuel brut et en “k”: la langue des patrons. Si on dit 25k, c’est 25 000€ annuel brut. Donc 2 0830 € mensuel brut par mois. Donc environ dans les 1625€ net tous les mois. Ça dépend si vous êtes cadre ou pas. Mais je ne vais pas m’aventurer là-dedans, car déjà je n’y comprends pas grand-chose et en plus ça ne m’intéresse pas énormément.

Faites-vous copain avec un DAF (Directeur Administratif Financier), eux ils savent.

Mauvaise nouvelle. Les gens qui vous ont dit que vous alliez gagner 50k dès la sortie de l’école vous ont menti. Beaucoup n’obtiendront pas directement de CDD/CDI ; ils devront commencer en freelance.

Les futurs embauchés risquent d’osciller dans les 25k. Je connais beaucoup de créatifs qui ont commencé au SMIC, mais j’en connais aussi qui ont commencé à 30k.

Les agences les plus créatives sont les premières à moins bien payer les juniors. Beaucoup se bousculent au portillon pour y rentrer. Après, ça reste un choix intéressant car c’est dans ce type d’agence que vous pourrez avoir la meilleure formation et potentiellement les meilleurs briefs. Il faut voir ça comme un investissement. En général si vous commencez dans une agence de premier plan, vous resterez dans cet écosystème, c’est compliqué de passer d’une agence inconnue peu créative (0 prix au club des DA par ex) à une agence de premier plan (voir la carte des agences).

Stratégies a sorti quelques chiffres sur les salaires moyens. Ça vous donnera une idée : https://www.strategies.fr/actualites/agences/LQ1611703C/salaires-de-la-pub-les-gagnants-et-les-perdants.html

En free, la moyenne c’est 500€/jour, les juniors un peu moins (350?) et les séniors un peu plus (700?). Il n’y a pas de règle non plus. Ça dépend parfois du nombre de jours et de si vous avez vraiment envie de faire ce free. Vous pouvez aussi fonctionner au forfait et choisir un peu au pif un tarif pour une campagne/un film/ une activation etc.

LES AWARDS

Je me souviendrai toujours d’un créa qui était venu nous expliquer le Festival de Cannes en Pub lors d’une conférence à Sup De Pub. J’avais des étoiles dans les yeux.

Avant toute chose, il faut comprendre comment ça marche les prix. Les prix c’est un business. Pour les Cannes Lions, les agences paient pour s’inscrire, paient pour y aller et paient même parfois pour avoir plusieurs exemplaires de leur awards si elles ont gagné. Oui oui.

Mais les prix, c’est aussi un jury de gens du métier talentueux qui veulent récompenser le meilleur de la profession. Et ça, c’est cool. De la reconnaissance.

(Plus bas en deuxième partie, vous aurez les liens d’un bon nombre de festivals.)

Sans trop me mouiller, je dirais que les boss de fin en prix internationaux seraient les prix Titanium à Cannes ou les Black Pencil aux D&AD.

Et personnellement, j’adore Le Club Des DA. C’est peut-être mon côté chauvin. Chaque année le club publie un livre avec toutes les campagnes primées que j’affectionne beaucoup.

D’ailleurs, pour les étudiants, Le Club des DA à sa catégorie étudiante. C’est un très bon moyen de commencer à confronter vos travaux à un jury de professionnels et pourquoi pas de remporter votre première ’boule’ du club.

#METOO

La pub, comme beaucoup de secteurs, a son lot de casseroles. Il y a quelques années, des mouvements comme Les Lionnes ou Balance ton Agency ont dénoncé le sexisme et le harcèlement qui opérait dans certaines agences.

Un vrai boom dans le monde de la pub qui a créé une réelle prise de conscience et mis des sujets tabous sur la table. Les agences sont aujourd’hui beaucoup plus vigilantes sur le sujet et le bien-être au travail est devenu un sujet de premier ordre.

Étant un mec de 27 ans, je n’ai pas eu l’expérience d’être une fille dans un milieu de “gros cons”. En parlant avec des amies créatives, on est d’accord pour dire que ça évolue dans le bon sens. Pourtant, encore aujourd’hui, ça reste plus facile d’être un mec que d’être une meuf en agence de pub. D’ailleurs, les DC sont encore en majorité des hommes (en dehors du luxe/fashion).

C’est aussi notre responsabilité à nous, jeunes créas, femme et homme, de continuer à faire bouger le secteur.

QUELQUES CONSEILS

Plus bas, vous trouverez des livres et des articles de gens bien plus légitimes que moi pour vous donner des conseils dans le métier. Je ne me permettrai que de vous donner ceci :

Soyez curieux.

Absolument tout peut vous servir pour pondre une pub. C’est normal, on s’inspire de la vie pour trouver des idées. Donc être curieux de tout, c’est indispensable pour l’inspiration.

Travaillez intelligemment.

Certains combats ne peuvent pas gagner, surtout en agence de pub. Si vous êtes CR et que vous avez une radio à tomber pour une promo sur les carottes râpées. Les chances de gagner un Gold à Cannes sont tout de suite plus faibles. En réalité, ça dépend de ce que vous demande votre DC. Si ce dernier vous demande de tout déchirer pour ce spot de carotte, foncez, il s’occupera du reste. Si en revanche, le spot rentre dans un système déjà bien rodé, on ne vous demandera pas de réinventer la roue. Faites-le donc rapidement et sérieusement. Le but étant d’y passer le moins de temps possible pour vous concentrer sur des projets plus intéressants. N’oubliez pas que c’est grâce à cette radio que votre agence peut fonctionner et donc vous verser votre salaire.

Aussi, ne sous-estimez pas certains briefs. Quand on débute, il y a peu de chance que vous touchiez à un spot Nike de 1 minute. Mais dans tout brief peut naître une belle créa. À vous d’en ressentir le potentiel pour faire naître votre idée.

Trouvez un/une sensei.

Pour apprendre, c’est indispensable de bien s’entourer et c’est avec les plus seniors que vous apprendrez le mieux.

Soyez sympa.

NO SPOILER. Personne n’aime travailler avec les connards.

À la fin de l’article, vous y trouverez tous les liens des agences, des médias, des festivals etc. Mon dernier conseil : suivez donc tout ce beau monde sur vos réseaux sociaux, inscrivez-vous aux newsletters et faites-vous un petit dossier favori dans votre navigateur.

Nous sommes en Juin 2023 et comme la pub s’adapte au monde, il sera certainement vite obsolète. On essaiera de le tenir à jour.

– Barth.

Merci à Julie Greffier et Jean-François Bouchet pour leurs conseils dans la création de cet article.
Et à Gregory Ferembach, avec qui on a fait cet article.

DES AGENCES

Voici un schéma des agences de publicités à Paris en 2020.
Depuis 3 ans il y a eu quelques changements, elle sera actualisée en 2024 :
https://www.ferembach.com/cestquilescreas/agences/publicite-2020/