Quel a été ton parcours perso/pro ?
Après avoir fait l’Ensaama (Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art) à Paris, c’est assez naturellement que je me suis tournée vers la publicité.
J’ai commencé chez Mc Cann où j’ai travaillé principalement sur des budgets l’Oréal pendant presque un an. J’ai par la suite intégré une agence à taille humaine qui s’appelait Posternak Margerie où j’ai travaillé sur le budget Clarins durant 2 ans. C’est là que j’ai rencontré Philippe Saglio et que j’ai choisi de me spécialiser dans le secteur du luxe.
J’ai ensuite rejoint BETC, qui venait de gagner Clarins, pour une durée de 2 ans également.
Puis un jour Guerlain m’a proposé un poste de directeur artistique en interne et c’est alors posé la question de les rejoindre.
À l’époque les agences avaient des difficultés à gérer les budgets luxes et les studios internes avaient le vent en poupe. J’ai réfléchi un moment car je savais qu’en acceptant ce poste je perdrais toute chance de gagner des Awards. Par ailleurs, les recruteurs d’agences voyaient d’un mauvais œil les directeurs artistiques qui passaient chez l’annonceur et je savais qu’un retour en arrière pourrait être compliqué. Encore une fois la configuration de l’époque était différente et les mentalités ont beaucoup évolué depuis.
J’ai finalement sauté le pas et j’ai intégré le studio interne Guerlain pendant 11 ans.
Cette expérience a été très enrichissante et j’ai énormément appris car j’ai compris comment se passaient les process chez « le client ». J’ai beaucoup gagné en autonomie puisqu’en interne les directeurs artistiques sont impliqués à toutes les étapes de validation, de production et de présentation. On voit le CEO (Chief Executive Officer) toutes les semaines pour parler de l’image. Les commerciaux n’existent pas en interne donc il n’y a pas de filtres, ce qui a des bons et des mauvais côtés parfois.
J’ai progressivement gagné en responsabilités et je suis devenue Manager d’une partie du studio de création.
Il y a un an et demi, j’ai déménagé à New York avec ma famille et j’ai continué à travailler quelques mois en remote pour Guerlain. Puis j’ai reçu rapidement deux propositions de postes, un chez Estée Lauder et un à l’agence de Fabien Baron.
Je n’ai pas hésité et j’ai rejoint les équipes de Baron & Baron en tant que directeur artistique senior. Cela fait un an maintenant que j’y travaille et je suis ravie, je continue d’apprendre et de progresser. Par ailleurs, l’équipe est totalement cosmopolite avec 10 nationalités représentées, ce qui rend la collaboration extrêmement enrichissante au quotidien.
Tu as commencé à travailler quand dans la pub ?
C’était il y a 17 ans. J’ai moi-même eu du mal à le croire, j’ai fait le calcul deux fois avant de l’écrire mais LinkedIn confirme.
As-tu hésité à faire de la publicité ? tu aurais fait quoi à la place ?
Au début je voulais faire de la restauration de tableaux, mais après m’être renseignée j’ai vraiment eu peur des débouchés. Une de mes cousines travaillait dans la restauration de beaux livres et avait passé plusieurs années au chômage. C’était le début de la crise et je me suis dit que de l’art appliqué serait un choix plus sûr.
Je me suis tournée vers la publicité et je n’ai jamais regretté.
Tu travailles sur quels budgets avec qui ?
Mes budgets du moment sont Nars, Zara beauty, Narciso Rodriguez Mugler, Lancôme.
Je travaille avec Fabien Baron et Christophe Derigon sur l’ensemble de ces sujets et également avec 2 directeurs artistiques juniors Sophie Loloi et Chauncey Zhang.
Peux-tu nous citer quelques-unes de tes campagnes
Zara beauté
Photo par Elizaveta Porodina pour la beauté et Florian Joye pour la nature morte.
Parure Gold Skin
Réalisateur/photographe : Solve Sundsbo pour la beauté – Irina Dakeva et Candice Milon pour la nature morte
DOP : Benoit Delhomme pour la beauté / Fabien Benzaquen pour la nature morte
Abeille Royale
Réalisateur/photographe : Solve Sundsbo pour la beauté – Mario Goldlewki pour la nature morte
DOP : Benoit Delhomme pour la beauté
Orchidée Impériale
Réalisateur : Irina Dakeva
DOP : Fabien Benzaquen
L’Art et la matière
Photographe Florian Joye
Aqua Allegoria
Réalisateur : Emma Tempest pour la beauté Florian joye pour la nature morte
Pourquoi le luxe particulièrement ?
J’aime la mode, la cosmétique et la joaillerie. C’est une vraie passion depuis toujours.
Et puis il me fallait absolument une solution pour payer moins cher.
Quelle est la chose qui t’a fait le plus halluciner ?
En arrivant chez l’annonceur, ça a été le côté très hiérarchique et politique.
Ce monde est totalement méconnu pour un créatif qui arrive d’une agence et cela nécessite un vrai temps d’adaptation. Nous ne sommes pas préparés pendant notre scolarité à intégrer des entreprises où le marketing et les process prédominent. On se retrouve à travailler avec des gens qui ont fait 10 années d’études et qui sont totalement préparés et rodés à ce genre d’exercice.
Je pense qu’il y a clairement un trou dans la raquette dans les écoles de créa qui ne nous préparent aucunement à évoluer dans un autre environnement que celui des agences ou studios de graphisme.
Quels sont les pubs que tu préfères ?
Coco (1991) par Jean-Paul Goude
Egoiste Chanel par Jean-Paul Goude
Air France, l’envol, tellement beau.
Kenzo world, la bouteille est atroce, le jus catastophique mais la Pub est géniale.
As-tu des modèles créatifs, des gens qui t’inspirent ?
Oui j’ai beaucoup de sources d’inspiration.
Des designers comme Rick Owens, Yves Saint Laurent ou en ce moment Casey Cadwallader, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant de chez Coperni.
Des photographes comme Steven Meisel, Steven Klein, Peter Lindbergh et beaucoup d’autres.
Des créatifs comme Jean Paul Goude ou Fabien Baron.
Des artistes comme Rashid Johnson ou Anish Kapoor.
Comment penses-tu que le secteur du luxe va évoluer ?
Je suis assez dubitative quant à l’évolution créative dans ce milieu. Nous sommes arrivés selon moi à un point de rupture, le marketing prend de plus en plus de place, les briefs deviennent de plus en plus précis et laissent de moins en moins de place à la création. La politique du risque contrôlé est globalement appliquée et on a tendance à resservir les recettes qui ont déjà fonctionné. Par conséquence, les créations s’appauvrissent, mais paradoxalement les ventes continuent d’augmenter. Le secteur du luxe ne s’est jamais aussi bien porté, il augmente plus vite que la moyenne des entreprises présentes sur le marché boursier mondial.
Le constat est assez terrifiant si on le regarde d’un point de vue créatif. On constate d’ailleurs qu’il est de plus en plus difficile de trouver de bon directeur artistique dans ce secteur puisque les plus jeunes sont habitués à appliquer des recettes plutôt que de créer.
A côté de cela on voit émerger de nouveaux designer, stylistes, Make-up artistes ou de nouvelles marques qui prennent des risques créatifs et de gros partis pris. Je pense à Casey Cadwallader chez Mugler, à Isamaya Ffrench ou d’autres. Certaines deviennent des licornes du secteur et les gros groupes les regardent avec attention. Ce qui est intéressant c’est que certaines grosses compagnies commencent à modifier légèrement leur brief pour laisser plus de place à la création.
A mon sens tant que le modèle fera vendre les campagnes seront de plus en plus marketing.
La création organique reviendra ou la création marketing s’installera de manière plus durable.
Quel conseil pourrais-tu donner pour réussir dans ce métier ?
Être patient et écouter ceux qui ont des choses à nous apprendre.
Comprendre que personne n’est là totalement par hasard et que l’idée brute est à l’origine mais n’est pas une fin en soit, tout le monde peut avoir des idées extraordinaires. Ce qui est complexe c’est d’arriver à les transformer et à en faire quelque chose de concret, cette partie demande de l’expérience.
Travailler en équipe, il n’y a rien de mieux pour se challenger et progresser tout en faisant progresser les autres.