Bonjour Jenna, tu es Directrice Artistique chez DDB, quel à été ton parcours ?
J’ai fait un bac littéraire option art plastique et cinéma audio-visuel dans une ville où il pleut mais où les gens sont super sympas, Nantes. Mon film de fin d’étude « Lapin à la moutarde » a été projeté au cinéma, c’était le plus beau jour de ma vie mais j’avais 17 ans. Après mon bac, je me suis exilée dans une toute petite ville de Vendée : Montaigu, pour faire une mise à niveau arts appliqués, il y avait 1 boulangerie pour 6 bars et on achetait nos fournitures à la maison de la presse. On avait un cours consacré à la couleur et mon loyer était de 118 euros/mois, c’était le paradis.
L’année d’après, je suis partie à la capitale pour vivre 2 ans de prépa Cachan Design à l’école Duperré, où j’ai du lire plus de livres ( dont la mécanisation au pouvoir de Sigfried Giedion, qui vous apprend en 3 tomes comment tuer des porcs à la chaîne ) et voir plus d’expos que j’en lirai et verrai jamais dans toute ma vie. 2 ans qui m’ont appris à ne pas compter mes heures de travail et à rester humble face aux génies de la perspective.
Puis j’ai eu la chance de faire 2 ans de DSAA ATC à Estienne, où j’ai rencontré ma famille. Là bas, j’ai pu enfin faire du graphisme, de la sérigraphie, de l’illustration et gouter à la publicité. À la fin, mon groupe a eu une super mention et a pu rencontrer Jérôme Bonaldi. Consécration.
Enfin comme c’était la mode d’internet, je suis allée à la fac pour faire un master 2 de web à la Sorbonne. C’était marrant mais c’était des maths. Le lendemain de mon diplôme, je suis allée chez Leg au coté de Christophe Dru où j’ai fait de la typo au pinceau pour Nike. J’ai vu les affiches dans la rue, j’ai essayé de les voler, je n’ai pas réussi, alors j’ai fait des photos. Puis j’ai rejoint DDB pour être l’assistante du team Jessica Gerard-Huet et Jean François Bouchet, sur Hollywood boulevard.
Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Depuis 2010, donc si je compte sur mes doigts ça fait 1 main.
Tu as hésité a faire de la pub ?
Non pas du tout, je voulais à tout prix travailler chez Leg. parce que c’était beau et avec Christophe Dru et Gabriel Gautier parce qu’ils étaient forts.
Tu travailles avec qui et sur quoi ?
Je travaille avec mon rédac Arnaud Viallaneix depuis 3 ans, sur les budgets d’Alex avec un super grand A, c’est à dire Alexandre Hervé, celui qui a les cheveux blanc et des air max et maintenant Alexander Kalchev celui qui parle comme Jane Birkin. On a la chance de faire beaucoup beaucoup de Volkswagen, de l’Équipe, du ING, L’Occitane etc.
Parles nous de deux trois choses que tu as faites :
Je n’ai pas encore fait beaucoup de choses. Mais j’ai aimé travaillé sur le film l’équipe « Shadows » avec Alexander, à l’époque le réalisateur du film.
C’était une super expérience.
J’ai récemment fait un shoot avec Romain Laurent x Police Studio et une opé digitale avec Tyrsa pour la nouvelle campagne Coccinelle.
J’ai aussi fait les illustrations de la campagne « How persistent are you? » d’Hasbro, avec les talentueux Paul Kreitmann et Alexis Benoit.
L’équipe – Shadows
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Oui, je fais de l’illustration. Nous avons créé un collectif « Bonjour Michel » avec mon amie Pauline Soler avec qui j’ai passé mon diplôme à Estienne et qui a une formation de typographe. Nous travaillons à deux mains sur des projets de pochette d’album, des expos de tirages issus de notre petit atelier de sérigraphie et des événements comme bientôt un festival de musique pour enfants. Je dessine des trucs du genre des burgers sur des skates, des palmiers et des gens qui se roulent des pelles. Tant qu’il y a des gens pour acheter ce genre de choses je continue.
Je collabore avec des marques et des magazines, comme Bernard Forever, Made.com, Malibu, Forever 21, Rad, Paulette, Errratum ou Doolittle. L’an dernier j’ai signé avec la galerie Starter qui se situe dans le marais juste en face des Bains Douches mais aussi à Shanghai et une petite galerie à Berlin. Je prépare aussi un livre illustré avec Flammarion, le contrat est signé il y a plus qu’à les faire. C’est vraiment une passion, j’aime dessiner mais j’aime aussi beaucoup regarder les dessins des autres. Je rêve de collaborer avec plein d’illustrateurs et typographes pour une prochaine campagne. J’ai mis plus d’argent dans ma bibliothèque que sur mon livret A. J’ai une pige monumentale dans plein de styles différents, que j’alimente à chaque expo ou découverte sur les internets. Au cas où l’occasion se présente, je suis prête.
Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ?
Mes meilleurs souvenirs ce sont les rencontres que j’ai pu faire, avec des artistes que j’admire. Partir en tournage à Phuket avec le photographe Nick Meek pour photographier des hôtels de luxe. Bosser avec Tyrsa sur un projet typo pour cox, shooter avec Romain Laurent pour Volkswagen ou Théo Gosselin / Zack Spieger pour l’Occitane et bien sûr partir en tournage avec les copains de Solab + les Naïves New Beaters à Buenos Aires l’hiver dernier.
Mais je garde aussi un très bon souvenir de la campagne «les ombres» .Bien que cette campagne n’ai pas gagné de prix, elle a eu de super bons retours dans la vraie vie, de la part des gens concernés par le sujet du cécifoot et des personnes ravies de découvrir ce sport. C’était des témoignages très touchants, des gommettes de soleil.
Et bien sûr la première fois où ma mère et mon père ont vu une de mes annonces dans l’Équipe. Ils ne m’ont pas dit que c’était bien ou que c’était mal, ils étaient juste fiers, ça se voyait même au téléphone.
Et les pires ?
Les créactions. Les mecs qui font ce job chez JC Decaux devraient porter un gilet pare-balle et songer à placer leurs familles sous protection policière. Mais les pires souvenirs c’est quand les choses ne se font pas. Tout le monde a envie de le faire, tout le monde y croit, l’agence, le client et puis non ça ne se fait pas. Mais ces souvenirs ne font pas le poids face aux bons. De toute façon ce métier c’est les montagnes russes, ça descend d’un seul coup mais ça remonte aussi sec. Ça fait peur, parfois ça fout la gerbe, mais c’est toujours rigolo.
Le truc qui t’as fait le plus halluciner ? que tu ne pensais pas faire un jour ?
Je ne pensais pas partir le même mois en tournage à Buenos Aires, et quinze jour après shooter à Los Angeles. Je ne pensais pas vendre un shoot de mur à Los Angeles à Volkswagen. Je ne pensais pas nager avec des clients dans une eau turquoise. Je ne pensais pas shooter un homme à moitié nu dans une cascade. Je ne pensais pas que ça me plairait autant. Je ne pensais pas coller des serviettes hygiéniques sous les bras d’un comédien pour ne pas qu’il transpire pendant la prise.
Je ne pensais pas donner mon avis sur la couleur d’un vernis à ongle dans le cadre de mon métier. Je ne pensais pas qu’Olivier Henry me forcerait à apprendre tous les noms de l’équipe de France avant d’aller au stade. Je ne pensais pas connaitre autant de modèles de voitures sans en avoir une. Je ne pensais pas boire autant de champagne dans ma vie. Je ne pensais pas aimer autant ce métier. Je ne pensais pas aimer autant les gens qui le font.
Quelles sont les pubs qui t’ont le plus marquées ?
J’aime le print. Ceux qui m’ont le plus marqués en France sont les campagnes de Leg, Eurostar, Ouifm ou celles de DDB pour VoyageSncf comme « Nouillorc », « Quancoune », « Los-en-gelaisse » … C’est super malin. La campagne Nova de Jessica et Jean-François qui est magnifique. Les pubs Volkswagen de Patrice Dumas parce qu’on peut les acheter chez Fleux.
Et puis le print Lego « What it is is beautiful « parce qu’il pourrait sortir aujourd’hui, juste avec une petite chromie et des Stan Smith taille 28.
Les films qui m’ont le plus marqués ce sont les pub pour le Loto, « Au revoir président », Winamax « Les cartes », j’aimais bien les pubs Free avec Rodolphe. Sinon à l’étranger, les pubs skittles « Touch the rainbow » me font mourir de rire, surtout celle avec le chat. Je bave devant les films Nike. Le tout récent « Make every yard count » montage de tueur et « Find your greatness » putain.
Toutes les Direct tv, la campagne Marmitte rescue team, la signat’ est parfaite « Love it. Hate it. Just don’t forget it », la campagne Weightwatcher «if you re happy » un bon insight, une bonne chanson et ma pub numéro 1 sans conteste, c’est les « momsong » de Old spice. Ça m’arrive de l’écouter en boucle et de me marrer toute seule. J’aime aussi beaucoup quand la publicité utilise l’illustration comme médium, c’est mon « nager avec des dauphins » à moi. La campagne « Dumb way to die » pour le métro canadien ou « Travel better London », réalisé par Mc Bess pour le métro Londonien .
J’ai eu la chance de découvrir ses annonces en allant travailler à DDB Londres, tous les matins, ça me mettait du baume au coeur. Merci Mc Bess <3
https://www.youtube.com/watch?v=wnwEntgHyFI
https://www.youtube.com/watch?v=GNPLuSx_06U
Il y a des modèles de créatifs dans la publicité ? des gens qui t’inspirent ?
Évidement plein, et évidement : Alexandre Hervé. Plein de gens disent que c’est le meilleur et c’est sûrement parce que c’est vrai. Quand il te dit non, tu as envie de pleurer, quand il te dit oui, tu as envie de pleurer. Cœur avec les doigts Alex / Syndrome de Stockholm.
Gabriel Gautier, parce que c’est un génie et que ses pubs m’ont donné envie d’en faire.
Jean-françois Bouchet car si j’étais rédac je voudrais être lui et auprès de qui j’ai eu la chance de commencer. L’ex team Ben&0, pour leur talent, leur gentillesse et leurs encouragements à mes débuts.
Et Alexander Kalchev parce qu’il est talentueux, qu’il n’a pas besoin de faire de sieste, il doit juste se recharger quelques heures, et surtout parce que je sais qu’un jour il contrôlera le monde, alors je préfère avoir une place à l’intérieur du sous marin anti-nucléaire plutôt qu’à l’extérieur.
Et en dehors de la pub ?
Beaucoup d’artistes et surtout des illustrateurs. Je mettrais au dessus du lot Jiro Taniguchi, Winshluss, Charles Burns, Mc Bess, Sean Morris, Rachel Levit, Adrian Tomine, Cléa Lala, Philippe Valette, Paul Blow, Monica Ramos, Jules le Barazer et Kevin Lucbert. Ça fait beaucoup de monde au dessus de la pile, mais bon c’est une super grosse pile. Leurs points communs à tous, c’est qu’ils ont l’air de s’éclater à faire leur job et que ça se ressent dans leurs illustrations.
J’aime particulièrement le travail de Jérémy Perrin, c’est un petit génie de l’animation, il est drôle et il dessine bien les zizis, ce qui est un avantage bien plus grand dans la vie d’un créatif que de savoir faire la roue. Je l’ai découvert grâce au film « Truckers Delight « , qui en gros parle d’amour et de pixel. Je l’ai vu et je suis devenu fan.
Sinon je peux rester des heures à contempler les peintures hyperréalistes d’Alex Roulette. Du choix du sujet, en passant par le cadrage jusqu’à l’exécution. Ses tableaux à l’huile « Waiting », « At swim » et « Crossroads » sont des tueries.
Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Avant j’avais un bureau avec un canapé maintenant je suis en open space avec un tabouret, c’est super pratique pour étendre ses jambes mais moins.
Tu penses que le milieu va évoluer de quelle manière ?
Je pense que le concept de team va exploser au profit de collaborations plus variées.
Je me rappelle qu’il y a trois ans un bulgare hébergeait dans son bureau un mec qui fabriquait une machine pour lire l’avenir…et déjà tout le monde trouvait ça normal.
Si tu commençais la pub aujourd’hui, tu irais ou ?
J’irais à Los Angeles pour aller à l’agence en mini short toute l’année et pour rêver de partir en tournage à Paris.
Que dirais-tu a un team de stagiaire qui veut percer dans le milieu publicitaire ?
La pub est une religion, avec ses rites et ses idoles mais il n’y a pas de miracle, il faut bosser.
Aimez votre job et il vous le rendra.
Amen/Bisous.
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