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Bonjour Éric tu es Rédac/DC chez Y&R, quel a été ton parcours :
J’ai découvert ma future vocation en lisant Okapi ! J’ai un souvenir assez précis de la bande dessinée qui décrivait un tournage de film publicitaire, dirigé par Serge Gainsbourg pour Gini, on y racontait les différentes étapes du processus publicitaire qui débouchaient sur la réalisation d’un spot. Quelques années plus tard, j’ai fait un Bac B (éco ), puis l’ESP, où je me suis ennuyé 2 trimestres avant de rencontrer une fille très mignonne qui m’a proposé de faire un stage dans son agence, qui s’appelait Emotion, et qui avait l’ambition de traiter les films ou les chanteurs comme des produits grand public, c’était très nouveau à l’époque, et j’y ai sorti ma toute première annonce…pour Serge Gainsbourg ! Son affiche de tournée en France après le Casino de Paris. On peut dire que mon premier annonceur a donc été Gainsbarre…
Ensuite Pascale Chadenat m’a embauchée chez Grey où je suis resté a peu près 2 ans, puis Marie-Catherine Dupuy m’a prise chez BDDP, ou je suis resté une quinzaine d’années, à part 2 ans chez BDDP et fils avec Olivier Altmann, ensuite Publicis, 3 ans, et Young depuis 5 ans, comme directeur de création.

Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
J’ai envie de dire un certain nombre d’années….au moins une vingtaine, mais je n’ai jamais compté, je suis plutôt du genre à être tourné vers l’avenir…

Tu travailles avec qui et sur quoi chez Y&R ?
En venant chez Young, je pensais instaurer un nouveau système de direction de création, une sorte de « label créatif « les Six, il y avait Jorge Carreno, le directeur artistique avec qui je travaille depuis BDDP, Bruno Delhomme, Ghilem Arnal, Laurent Bodson et Robin de Lestrade, j’ai fait venir des créatifs que je connaissais depuis BDDP, pour ré-imposer la création à la Young en peu de temps et imaginer un esprit collectif comme il y a dans la musique, le design, l’archi…Une trentaine de prix internationaux plus tard, 2 des Six partis pour de nouvelles aventures, 2 Présidents partis également, il faut repenser à un autre modèle, ça fait parti du métier, mais je ne regrette pas cette expérience….

Sur quels budgets as tu travaillé à la Young ces 5 dernières années ?
A la Young, j’ai découvert un nouveau métier, celui de directeur de création.
Je suis heureux et fier d’avoir travaillé avec Josselin Pacraux et Sebastien Guinet sur le journal Capital, ça leur a permis d’avoir leur premier lion à Cannes et à la Young d’avoir un lion en film ce qui n’était pas arrivé à l’agence depuis des années ! J’ai aussi travaillé 4 ans sur Relais et Châteaux, un client avec qui je partageais l’amour des bonnes tables et des beaux endroits, La Française des Jeux, ( Joker + avec Xavier Giannoli et Arielle Dombasle, une femme incroyable et adorable ! Astro, les signes qui se jalousent, avec Pollet-Villard, et le relancement de l’Euromillion, Le 1er gros film des ABCDCD, de jeunes réalisateurs très talentueux, Two Door Cinéma Club en bande son, un virage de modernité pour la FDJ…Il y a aussi l’Etudiant, un nouveau budget, peu de moyens, mais très créatif, je pense qu’on leur a trouvé un signature qu’ils vont garder longtemps : les jeunes ont de l’avenir…

http://www.youtube.com/watch?v=xOFOYUVpI-E

Qu’est ce qui t’a fait le plus halluciner que la pub a permis ?
J’ai pu rencontrer Philippe Séguin pour la Fondation du Foot, je lui ai fait faire sa première voix off publicitaire, je l’appelais le Barry White de la Cour des Comptes, il me recevait dans son bureau rue Cambon, c’était quelqu’un d’exceptionnellement intelligent et de très humain…J’ai adoré nos rencontres, il commençait à se prendre au jeu de la pub, et puis…il a eu son accident cardiaque…

Parles nous de deux trois choses que tu as faites en pub dont tu es content :
J’ai adoré bosser sur Sony Playstation, car je joue aux jeux vidéos depuis le 1er jeu de tennis, celui où on s’envoyait un pixel avec deux barres…j’ai eu la chance de travailler sur ce budget deux fois dans ma vie à quelques années d’intervalle, il faut être créatif puisque c’est normal sur ce sujet, mais il faut l’être encore plus car le monde entier travaille sur le même sujet, c’est très motivant !
la chaine histoire c’était une façon de mêler plusieurs passions : la pub, l’histoire et la télé…le TGV c’est la fierté d’avoir trouvé une signature qui a marqué, “Prenez le temps d’aller vite“ et de faire le 1er film en France d’un grand réalisateur Johan Renke

Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, une passion ?
La pub est ma passion et me permet de rencontrer beaucoup de gens très intéressants. J’ai rencontré les rédacteurs en chef du magazine l’Optimum, qui m’ont intégré au pool d’écrivains et de journalistes qui écrivent pour eux, sinon j’avais travaillé pour NullePartAilleurs pendant une saison, et je ne renonce pas à vendre encore des concepts d’émissions pour la télévision…

Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ?
J’en ai plusieurs : mon premier prix, bien sur, mon premier lion, aussi, mais ce dont je suis le plus fier, c’est d’être le premier français a avoir reçu un Yellow Pencil au prestigieux D&AD, et d’avoir été aussi le premier français a avoir gagné un grand prix print à Cannes, ce sont de grands moments dans une carrière, tu te dis que, une fois dans ta vie tu as réussie à atteindre un niveau de qualité incroyable dans ton métier, que tu n’arriveras peut être plus jamais à atteindre, car tu es en concurrence avec des milliers d’annonces excellentes, et contre de grandes nations publicitaires qui ont tellement plus de moyens que toi…

Et le pire ?
Mon pire souvenir c’est d’avoir réussi il y a un an, un « très court-métrage publicitaire » pour Venteprivée avec Erwin Olaff à la caméra et d’avoir été en désaccord avec Jacques-Antoine Granjon, le fondateur du site, sur la musique et le concept du film avant sa sortie, je n’ai donc eu ni la possibilité, ni le droit d’exploiter cette campagne alors que pour moi les grandes marques du Net sont l’avenir des agences et que le concept « What’s in the box today ? « se déclinait parfaitement avec leur site… mais bon les gros annonceurs du net ont l’habitude de tout faire eux même et au rabais, les agences vont mettre du temps à les « éduquer »…

http://www.youtube.com/watch?v=EtwgA4V4lL8&

Quelle est, historiquement, la pub qui t’a le plus marqué
Il y en a trop pour toutes les citer, en voici quelques unes :
SDF NewyorkNewyork, tellement de campagnes Nike, Apple, l’homme enceinte de Saatchi…, The Independant, des idées intemporelles, fortes, drôles, intelligentes….

Que penses tu de la notion de copie d’un boulot à l’autre, un schéma propre à notre métier ?
Avec l’apparition d’Internet, on n’a jamais eu autant accès à toutes les campagnes du monde entier, et paradoxalement, même en y passant 24 heures par jour, on ne pourrait pas tout voir ! Copier, pour quelqu’un qui se veux créatif est une démarche absurde, un manque de fierté personnel…en revanche penser qu’on est les premiers humains à imaginer une idée 100% originale est d’une prétention sans nom ! On doit vivre chaque jour, avec ce paradoxe quand on est créatif dans la pub…

Trouves-tu que le milieu publicitaire est constitué de gens décalés, originaux ?
Non, pas vraiment, je pensais faire un métier rempli d’iconoclastes et beaucoup de gens qui travaillent en agence sont très conservateurs…Bon j’en connais quand même quelques uns, qui sont de très bons potes….oui Bruno D. je pense à toi…

Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ? des gens qui t’inspirent ? pourquoi ?
Je suis très respectueux des gens qui ne font pas que des one shot, je suis admiratif de gens qui ont une longue et belle carrière publicitaire, en France Gabriel Gauthier, Rémi Noel et Éric Holden sont des créatifs qui m’ont souvent bluffés, avant, les Devarrieux, Betite, Manry, Chadenat, Jouis, Vince, Philippe Michel, ont été des exemples, à l’étranger, les frères Saatchi, Wieden, Hegarty, Bernbach, sont des personnalités a connaitre ou à écouter car plus que des campagnes à montrer ils ont des points de vue à exprimer sur la consommation et les consommateurs, une philosophie de leur métier qu’il fait bon relire de temps en temps….
Sinon évidemment, le parcours de Rémi Babinet, c’est le seul créatif français a être devenu Président d’une grosse entité et qui continue « d’incarner « les campagnes de son agence, est une autre source d’inspiration, mais j’ai bien peur que ce soit un cas unique…

Tu fais partie de quelle génération de créatifs, avec qui as tu grandi ?
Plein de gens de talent : Babinet, Pollet, Holden, Noel, Delhomme, Altmann, Camensuli, Beauregard, Chifflot, Caffiero, Lobel, Potel, Lebec, Arnal, Villoutrey, Courtemanche, Nebout, j’en oublie plein, ils vont me tuer !
Oui, je t’ai cité Bruno D. !

Avec qui aimerais-tu travailler ?
Uniquement avec des gens de talent et passionnés…Lorsque je suis arrivé à la Young, qui a historiquement beaucoup de budgets food, j’ai organisé une soirée avec Thierry Marx, ( un grand chef étoilé ), je lui ai demandé de cuisiner, à sa manière, tous les budgets alimentaires de l’agence…ça a été une super soirée, les clients et les gens de l’agence présent ce soir là, en parlent encore, Thierry est l’un des plus grand créatif que je connaisse, j’aimerais refaire ce genre d’événement, car je pense qu’il y a toujours un moyen d’être créatif même pour les marques les plus difficiles publicitairement…

Tu es un grand fan de série de jeux vidéos, on ne s’y attend pas vraiment de la part de quelqu’un de ta génération et position, ça a eu quelle influence sur ta vie, tu jouais à quoi ?
Hé, mais tu viens de me traiter de vieux, là ! Tu sais que les jeux vidéos ont été inventés avant toi, espèce de jeune !
Lara Croft, (oui, c’est une cougar maintenant) je l’ai bien connue et avant toi ! J’ai eu toutes les consoles de jeux et j’en ai encore une aujourd’hui (une XBOX), mais je dois t’avouer que je ne joue plus que rarement, je joue avec mon petit garçon, j’en profite encore un peu tant que je peux le battre ! Sinon, tout ce qui est Prince of Persia, Call of Duty, Red Dead revolver, Fifa, Sim City, j’y ai passé des heures et des heures, seul ou en réseau, pour moi ce sont plus que des jeux, ce sont de nouveaux loisirs, de nouveaux langages, de nouveaux graphismes.

(NDLR : j’ai moi aussi joué à ce truc qui te hache avec une musique de merde, alors ci-dessus un ptit kiff en pixels)

On voit la même évolution aujourd’hui avec de nouveaux supports : Angry Birds chargés plus de 100 millions de fois sur I Phone, ça veut dire quelque chose, non ? J’essaie de l’expliquer aux annonceurs, de même que l’importance des jeux liés à la musique, comme IDaft, pour les marques, c’est lent, mais ça prend…
J’ai remplacé les jeux vidéos par les séries : depuis OZ, Profit, Deadwood, True Blood, The misfits, Walking Dead, Game of Throne, Breaking Bad, et bien entendu Mad Men, j’en regarde énormément, mais je te rassure, je lis beaucoup aussi, en fait je n’aime pas trop rester inactif…

Si tu commençais la pub aujourd’hui, tu irais ou ?
Je ferais tout pour rencontrer John Lasseter chez Pixar, un exemple de directeur de création qui réussit à s’amuser et à inspirer toute une génération de créatifs, sinon scénariste pour une série chez HBO ou dans une boite de jeux vidéos…c’est la source d’inspiration actuelle, ce n’est malheureusement plus la pub….

Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Entre le moment où j’ai commencé et aujourd’hui, un nouveau média est apparu, ce qui a forcément modifié mon métier….je prends ça comme une chance, je m’imagine les premiers créatifs qui ont connu l’essor de la radio ou de la télévision,
Il ont du écrire différemment, réfléchir différemment, se remettre en cause, on est dans cette même découverte, cette même inconnue et c’est passionnant…

Tu penses que le milieu va évoluer de quelle manière ?
Le gros du gâteau publicitaire est investi dans l’achat d’espace, les agences sont gouvernées par des comptables, et les annonceurs considèrent leur communication comme un risque pour leur carrière…Les publicitaires vivent une crise existentielle : comment recruter des talents en leur promettant d’être mal payé et d’obéir aux diktas d’un chef de produit qui sort de l’Essec depuis 2 jours et qui ne connaît rien ni à sa marque, ni a son marché, ni à la pub… Je n’ai pas de solution miracle, mais je pense que le milieu de la pub est un concentré de gens qui savent évoluer constamment et très rapidement, donc on s’en sortira…Le seul problème pour moi, c’est le niveau de qualité et d’exigence qui s’effondre en ce moment.

Que dirais tu a un team de stagiaire qui veut percer dans le milieu publicitaire ?
Lorsque j’ai commencé, on me disait déjà que c’était la crise, qu’il n’y avait pas d’embauches, je ne l’ai pas cru…Il y aura toujours des places pour des créatifs de talents…Croyez en vous et on croira en vous…
D’ailleurs, je recommande la lecture de ce livre à tout le monde.