Bonjour, quel ont été vos parcours ?
Jérémy (le CR, à droite sur le bandeau) : À la fin d’un parcours scolaire que mes profs pourraient qualifier de « Bien mais pas top » je me retrouve devant la conseillère d’orientation qui me dit : « Si vous ne savez pas quoi faire après votre Bac, faites une école de commerce, ça ouvre plein de portes ! » Alors concrètement, ça ne m’a pas ouvert de portes mais ça m’a ouvert les yeux sur ce que je ne voulais surtout pas faire et c’était déjà pas mal. Après une seule et unique année en école de commerce, je m’oriente vers un BTS Communication.
Je passe en coup de vent à l’ISCOM pour valider une licence. Par la suite, j’ai la chance de tomber sur Didier Aerts et Bangaly Fofana en stage chez Publicis Conseil et grâce à eux, je me fais un premier doss et je pars à Sup de Créa encore à Roubaix. Stage de fin d’études chez BETC, puis premier boulot chez Change. Quelques temps après et un peu de free plus tard, on débarque chez DDB avec Max.
Max (le DA, à gauche sur le bandeau) : Ça a toujours été un peu compliqué de répondre à la question « D’où viens-tu ? ». Mon père étant expat’, j’ai beaucoup bougé et j’ai eu la chance de vivre dans différents endroits à travers le monde. Des endroits cools comme Buenos Aires, Santiago, Prague et des endroits un poil moins cools comme Mulhouse ou Belfort.
Pour les études ça a aussi été un peu mouvementé. J’ai eu mon Bac au Lycée Français de Prague, puis direction Marseille pour intégrer Euromed Marseille, école de commerce post-bac en 5 ans. Ce n’était pas spécialement ma came mais ça m’a permis de continuer à voyager. J’avais pris l’option double diplôme dans un petit coin sympa que l’on appelle le Mexique. Me revoilà reparti en vadrouille. J’ai toujours voulu faire de la pub, du coup j’ai commencé avec des stages en tant que commercial.
Mais j’ai très vite compris que c’était la création qui m’attirait. J’ai terminé mon école et suis resté un an de plus au Mexique à travailler à mi-temps et à graffer le reste du temps. C’était sympa mais ça ne payait pas vraiment. Du coup, retour en France. Je décide de me former pour un truc qui me plaît vraiment cette fois : direction Sup de Création, à Roubaix. Ça y est, j’ai trouvé ce qui m’anime et un rédac’.
Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Max et Jérémy : On est sortis de Sup’ de Créa fin 2014 donc ça fera 10 ans cette année. Et sinon dans 26 ans ont aura 60 ans. Voilà pour le petit coup de vieux.
As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Jérémy : J’ai toujours été attiré par la pub. Je me souviens que je demandais la permission de me coucher plus tard les soirs de Culture Pub et que j’étais déçu quand on n’arrivait pas pour les pubs avant la séance de ciné. Et puis quand j’ai compris qu’Indiana Jones ce n’était pas un métier, il fallait bien que je trouve autre chose. Si je n’avais pas travaillé dans la pub, j’aurai vraiment adoré être acteur. Ou tester les infrastructures du Club Med à travers le monde (oui, ce métier existe). Après, il n’y a pas d’âge pour une réorientation professionnelle, si ?
Max : Non pas vraiment non plus. J’ai hésité au moment de mon choix d’étude à faire une école d’art mais comme je ne connaissais personne qui avait ce genre de cursus autour de moi je me suis dit qu’une école d’art rimait forcément avec le fait de devenir peintre. Si j’avais dû choisir autre chose que la pub, j’aurais quand même choisi un parcours artistique. J’ai toujours été passionné par le dessin des lettres. Va savoir. J’aurais bien fini par trouver un métier en lien avec ma passion.
Tu es ‘fan’ de quoi ?
Jérémy : Je suis un fan inconditionnel d’Arsenal et je fais pas mal d’escalade. Dans les deux cas ce sont des hauts et des bas. Je suis passionné par l’histoire et particulièrement par la Seconde Guerre Mondiale. Je lis beaucoup de bouquins consacrés à cette période. Comme beaucoup, j’essaye d’aller au ciné dès que j’ai une fenêtre de tir. Étant un gros fan de rock, j’aime bien arpenter les rayons des disquaires ou me balader dans des brocantes au beau milieu de nulle part pour trouver des perles rares en vinyle.
Max : Du coup petit spoil à la fin de la question précédente. Je suis un grand fan de typographie. Ça a commencé par le graffiti que j’ai pratiqué pendant plus de 10 ans. Puis ça s’est transformé avec le lettering et plus grossièrement le design graphique. Je ne sais absolument pas dessiner, mais les lettres, ça je sais faire. J’essaye de continuer à créer en dehors du boulot, même si le temps manque. Sinon j’aime aussi beaucoup le foot et notamment le PSG. Et puis comme tout le monde, écouter de la musique. Le cinéma aussi mais je ne vais pas commencer à « name dropper ». Tant que l’histoire est cool et l’image belle, je prends.
Tu as travaillé sur quels budgets, avec qui, dans quels pays ?
Max et Jérémy : Quand on est arrivé chez DDB, on a bossé exclusivement sur McDo. On a été recruté par Mélanie Pennec qui était DC sur ce compte. C’est elle qui nous a ouvert la porte de l’agence. On a remporté pas mal de compets’ avec elle notamment sur McDo, mais aussi d’autres budgets comme l’ADEME, Monoprix et Leboncoin. On a ensuite commencé à travailler avec Alexander Kalchev sur l’Équipe, Volkswagen, Tag Heuer, Rock&Folk, ou encore Amnesty International.
Puis en parallèle sur Hennessy, Honda avec Alexis Benbehe et Pierre Mathonat, Skoda avec Benjamin Dessagne et Stéphane Santana et Prime Video ou encore Spotify avec Clara Noguier et Olivier Le Lostec. Aujourd’hui, on travaille sur les différents budgets de l’agence et sur les compets avec Alexander et on a des briefs avec les autres DC. Nous avons aussi pris le rôle de Creative Lead sur CUPRA cette année.
Parlez-nous de vos projets pub :
Notre premier film pour McDo Code Ciné. Une opé pendant laquelle on pouvait gagner des films gratuitement en achetant des menus :
Notre dernière campagne Amnesty International sur la sortie de leur rapport annuel. Comme quoi on reconnaît une bonne association à tous ceux qui voudraient qu’elle se taise.
Une campagne pour le hors-série spécial Métal du magazine Rock & Folk. Testons l’effet du métal sur votre imagination.
Une activation pour Volkswagen le soir de la victoire de l’Équipe de France à la Coupe du Monde 2018.
Une campagne Honda avec plein de mots dedans et du Patrice Dumas.
La refonte de l’image de DDB Worldwide. Oui, ça fait extrêmement prétentieux dit comme ça …
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Jérémy : Depuis que je lis les interviews sur ce site, je suis admiratif de tous ces gens qui ont 1000 projets à côté de leurs boulots, qui lancent des boîtes, qui s’investissent à fond dans telle ou telle chose. J’avoue que pour ma part, j’essaye déjà de profiter de mes proches, de faire du sport, d’aller au ciné, voir des expos, de lire et geeker (un peu trop).
Max : Je fais pas mal de choses qui touchent à la typographie. Des affiches, des étiquettes de vin, des covers d’album (à mon époque on disais pochettes d’albums mais maintenant ça finit surtout sur des plateformes de stream), ou justes de petites expérimentation autour de la typo. C’est vraiment ma passion, que ce soit de la création ou juste de la mise en page. C’est à mon sens une expérimentation sans fin.
Insta : @maxguib
Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
Jérémy : Voir toute une salle se marrer en voyant ta pub sur un grand écran de cinéma, c’est de loin la meilleure récompense du monde pour un créatif.
Le pire souvenir je dirai que c’est d’avoir prévu bien en avance un tournage en pleine forêt, au beau milieu de la nuit, et que ça tombe le soir le plus froid de l’année : -9°C de 18h à 5h30 du matin. Bonheur.
Max : Un des meilleurs était une opé pour Volkswagen qu’on a réalisé avec Jean Weessa. On venait d’arriver chez DDB et on s’est retrouvé Place de l’Étoile le soir de la victoire de l’équipe de France à la Coupe du Monde 2018 pour changer toutes les plaques de la place en « Place des Deux Étoiles ». On a littéralement entendu la France crier à la 90ème minute avant de se retrouver dans une foule en liesse. J’ai fini avec un caméraman sur les épaules avant de me faire gazer par les flics. Puis retour à l’agence pour monter le film et le poster dans la foulée.
Le pire souvenir, c’est d’avoir dû faire une charrette ce soir-là.
C’est qui ta génération de créas, ceux avec qui tu as grandi ?
Max et Jérémy : Dans notre promo de Sup’ de Créa, il reste assez peu de personnes qui font de la pub en agence. Beaucoup sont maintenant en free. On pense notamment à des gens comme Ludwig Couet Buisseret, Camille Saison, Thibault Abitbol ou encore Sylvain Weiss (à contacter d’urgence si vous cherchez des personnes sympas et créatives en free !).
Ensuite chez DDB, notre génération de créas ce sont des gens comme Mathieu Masse et Ondine Simon : deux créatifs avec un énorme niveau de craft et une incroyable culture de l’image qui sont en plus de ça, des photographes de talent. Sonia Dos Santos et Julien Beuvry, des créatifs tellement intelligents qui arrivent toujours avec des idées surprenantes. Clément Oberlin, un DA qui sait tout faire et qui le fait vraiment bien. Yassine Ouadah Tsabet, Nicolas Denis, Tom Desmettre et Matthieu Dublé, 4 autres créatifs talentueux que nous sommes obligés de citer ici (sous la contrainte car nous partageons le même bench).
Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ?
Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
Max : Il y a pas mal de gens qui m’inspirent en dehors de la pub. Je commencerais par le GOAT de la mise en page, de la typo et du design graphique, monsieur Matt Whilley. C’est une vraie référence pour moi. J’aime aussi beaucoup tout l’univers de Pablo Delcan ou Javier Jaén, des cracks de l’idée visuelle et du craft. Je ne peux m’empêcher de citer aussi Herb Luballin, le boss de la typo ou encore Daniel Escudeiro, un designer/typographe plus moderne qui repousse sans cesse les limites de la typographie.
Je suis aussi assez fan de l’univers de Mike McQuade, un designer qui utilise le collage et réussi toujours à créer des visuels incroyables. Puis pas mal de studios de design comme Pentagram, We Are Collins, Studio Dumbar entre autres. Je m’arrête là car je pourrais continuer pendant des heures.
Il y en a aussi pas mal dans la pub. Notamment tous ceux qu’énumèrent Jérémy juste après. Ce sont des gens qui nous inspirent mais qui nous ont aussi beaucoup appris.
Jérémy : Globalement dans la vie, je suis déjà émerveillé par les gens qui ont des idées mais surtout qui les réalisent. Avoir une idée c’est une chose, arriver à la concrétiser exactement comme vous l’aviez imaginé en est une autre. Après j’ai la chance de partager le même open-space que deux rédacs que j’admire énormément, Patrice Dumas et Benoît Oulhen.
Didier Aerts parce qu’il est simplement brillant et sympa. Alexander Kalchev, El Patron. Il arrive toujours à tirer le meilleur de nous tout en nous laissant ce qu’il faut d’indépendance. Et puis il a ce pouvoir magique de toujours réussir à nous montrer des trucs qu’on n’a jamais vu : « Vous ne connaissez pas ce film de pub hongrois de 1977 ?!? ». Mélanie Pennec pour ses raisonnements et sa compréhension des marques, Jean Weessa et Damien Veillet humbles et talentueux (c’est bon Jean, j’ai bon ?), Ondine Simon, Sonia Dos Santos et Julien Beuvry que j’ai déjà cité plus haut.
Évidemment Gabriel Gaultier, Jean-Christophe Royer, Jean François Bouchet, Virgile Lassalle pour leurs œuvres respectives.
Et puis j’ai lu il y a peu de temps une phrase d’Ogilvy qui disait : « Tell the truth, but make the truth fascinating ». J’aime bien cette idée pour parler de notre métier.
Tu vois quoi comme changement entre tes débuts et maintenant ?
Max : Le principal changement, je dirais que c’est Keynote. Aujourd’hui, je passe mon temps à faire des présentations de je ne sais pas combien de slides pour présenter une idée. Avant il ne suffisait que de quelques boards, maintenant il faut montrer comment une idée va se décliner sur Facebook, Insta, Tiktok, en presse, en affichage. Et je ne parle pas de la petite décli d’un print ou d’un cut down de film, mais d’idées complémentaires pour chaque plateforme. On en demande de plus en plus pour vendre une idée : faire un case study par exemple …
Autre chose qui a changé et qui va sûrement de pair avec ce que je disais avant, c’est le temps qu’on a pour tomber une idée versus le temps qu’il faut pour arriver à la produire. Maintenant on a quelques jours de conception pour sortir quelque chose 6 mois après (dans le meilleur des monde). Ça peut être très frustrant. Surtout quand ça finit par ne pas se faire.
Jérémy : Alors le principal changement, c’est que je vois Max faire beaucoup plus de keynotes qu’avant. Du coup, je dois remplir les slides des keynotes. Après, c’est une généralité mais on a toujours moins de temps pour travailler et les clients ont besoin d’être de plus en plus rassurés. Avec l’arrivée de l’IA et la généralisation des moods, ils veulent voir les films et les prints déjà fait avant même d’avoir été shootés. Et puis on doit faire plus attention à ce que l’on dit. Il y a de moins de moins de réelle prise de risque de la part des clients. Mais au final, notre métier ne change pas tant que ça. Qu’importe la demande, qu’importe les plateformes, il faut trouver la bonne idée. C’est toujours aussi difficile mais toujours aussi excitant.
Un conseil pour ‘réussir’ dans ce métier ?
Jérémy : Ne vraiment pas négliger l’importance des stages. Il n’y a pas mieux pour mettre un premier pied dans une agence et apprendre aux côtés de gens du métier. L’idée, c’est de se rendre indispensable. Et enfin je dirai prendre du recul. Ça paraît bête mais on est payé pour trouver des idées et écrire des blagues. On ne sauve pas des vies. Restons humbles et essayons de faire marrer les gens.
Max : Le premier conseil que je peux donner c’est de bien s’entourer. Il y a des personnes qui te tirent vers le haut et tous les autres. Choisissez bien les premiers. Et puis bosser, bosser, bosser. C’est bête à dire mais ça finit toujours par faire la diff’.
Enfin je l’espère.
Et puis s’amuser un peu quand même.
Pour en voir + sur leur doss’ : behance.net/maxandjeremy