Bonjour Lucie, quel a été ton parcours étudiante/pro ?
Bonjour ! Après un bac S (les débouchés, tu connais…), j’ai fait une fac d’art, puis un IUT Information Communication. Ensuite, 2 ans à sup de Création.
Fun fact : quand j’avais 16 ans, mon père s’inquiétait pour mon avenir. Il a engagé une conseillère d’orientation pour faire des tests d’aptitude et de personnalité. Après 10 séances qui auraient pu me constituer un PEL, la conclusion était que j’étais faite pour être conceptrice-rédactrice. Avec du recul, je ne sais pas si elle-même a compris ce que c’était. Avec encore plus de recul, moi non plus.
Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
Dans 8 ans, ça fera 15 ans. Donc 7.
As-tu hésité à faire de la pub, tu aurais fait quoi à la place ?
Quand j’étais petite, je voulais être serviteuse dans les boîtes de nuit… Ma mère avait un job alimentaire où elle faisait ça les weekends, elle m’a emmené un jour et j’ai adoré cette ambiance de boîte qui faisait aussi karaoké. Quelle enfance.
Tu es ‘fan’ de quoi ? (hors pub)
Je suis passionnée de cuisine. Je passe énormément de temps à faire la bouffe pour mes potes, à manger au restaurant, à écouter des podcast sur la bouffe, à discuter bouffe quand je ne suis pas déjà en train de bouffer. Je suis fascinée par les parcours des chefs étoilés, qui sont assez semblables à ceux des créatifs, puisqu’ils en sont. La règle : encaisser les coups durs et retourner en cuisine à chaque fois. Travailler, travailler, travailler. Ne pas trop regarder l’assiette du voisin. Se concentrer sur la sienne. Il faut avoir un sacré mental. Je pense aussi que dans tous les métiers créatifs, plus tu vieillis, plus les choses se mettent en place dans ta tête et plus tu comprends comment les choses doivent se faire. Tu vois, par exemple, vu comment je m’exprime, là tout de suite, je suis encore très jeune.
Aussi, j’adore la littérature, particulièrement les vieux romans. Le temps qui passe a cet avantage de faire le tri parmi les oeuvres, c’est toujours une valeur sûre de lire un vieux livre qui est encore vendu. Personnellement, je ne jure que par le Comte de Monte Christo d’Alexandre Dumas. Ça rassemble tous les sentiments : l’amour, la trahison, la vengeance, le courage, la souffrance. C’est presque aussi bien qu’une télé novela.
Sinon, je lis autant que je peux Stefan Zweig, Guy de Maupassant, Gabriel Garcia Marquèz, Alain Damasio, Romain Gary, John Steinbeck, Nicolas Mathieu, Sorj Chalandon, Goliarda Sapienza, François Garde, Lola Lafon, Tiffany McDaniel.
Je suis aussi fan de cinéma. J’adore tous les genres de film : de la petite comédie française aux films américains gros budget. J’aime beaucoup les comédies françaises, elles sont souvent le parfait reflet de notre société. Et j’ai beaucoup d’empathie pour les scénaristes, qui s’écorchent à écrire de bons dialogues et qui se font rouler dessus par les producteurs, leurs clients à eux. Le cinéma est forcément une grande source d’inspiration quand on est créatif. J’ai toujours une petite note iPhone ouverte dans laquelle j’écris toutes les répliques ou les mécaniques marrantes que je vois. Ça me permet d’aller puiser dedans quand je dois écrire des trucs, ça m’aide à ouvrir mon cerveau et à sortir des catégories attendues.
Tu as travaillé sur quels budgets, avec qui, où ?
En 2017, je suis allée en stage chez Fullsix, bien avant que ça fusionne avec BETC. C’était une agence digitale, mais c’était très cool car en DC il y avait Jean-François Goize, qui s’était lancé le pari fou d’injecter un côté pub dans cette agence hyper digitale. Spoiler : ça n’a pas fonctionné. Mais j’ai adoré travailler avec lui. Il allait toujours chercher des idées folles, totalement hors budget et absurdes. Ce que les gens qui étaient en place depuis longtemps ne comprenaient pas du tout.
En 2018, un stage chez Jésus & Gabriel pour clôturer mes deux années de Sup de Création. Parce que les pubs Eurostar. Parce que les pubs OuiFM. Parce que Gabriel Gautier, Virgile Lassalle, Olivier Camensuli, Stéphane Richard… Que voulez-vous. Et c’est aussi mon premier prix au Club avec Olivier Camensuli sur une campagne Citéo.
À la fin du stage, mon père me dit « si tu trouves pas un travail dans le mois qui vient, je te coupe les vivres et tu quittes Paris ». Donc je suis partie en Thaïlande en vacances pour décompresser.
Et quand je suis revenue, j’étais embauchée chez Romance par Adrien Plouard et Yvan Hiot. Je leur serai éternellement reconnaissante parce qu’ils m’ont énormément appris et parce qu’ils m’ont sauvé d’un retour chez mes parents.
J’ai principalement travaillé sur Intermarché, ce qui est une des meilleures écoles pour les rédacs à mes yeux. Adrien, mon ancien DC, est pointilleux au possible. Il y a des accroches que j’ai retravaillé 50 fois avant qu’il puisse apposer son petit check au stylo noir au bout de la ligne. Ça se jouait à la virgule. C’était éprouvant mais nécessaire. À cause de lui, je me méfie des DC qui n’ont jamais rien à redire.
Au bout de 4 ans d’Intermarché (ça fait environ 4 temps forts noël, 4 temps fort rentrée et 4 temps fort foire à la saucisse) j’avais envie d’aller voir autre chose. J’envoie mon dossier un peu partout, sans trop savoir où aller. Éric Astorgue rit à quelque unes de mes vannes et transfère mon dossier à Stéphane Xiberras en douce, qui m’appelle un matin pour que je vienne. Panique et excitation. Je n’avais jamais envisagé BETC, ça me faisait peur. Mais encore une fois, je suis totalement fascinée par Stéphane. Alors j’y vais.
J’y rencontre des personnes brillantes et talentueuses. Là aussi, c’est le choc. Je vois comment ils travaillent et je réalise que si je veux atteindre leur niveau, il va très sérieusement falloir que me sorte les doigts du cul. Matthieu Bouilhot m’éblouit de génie, j’apprends plus qu’énormément en travaillant avec Rayhann Khodabux. Surtout, je travaille avec Marie Glotin avec qui je sors ma première activation The Lost Ride, avec Arnaud Assouline et Benjamin Le Breton en DC, qui m’impressionnent énormément. Je travaille aussi avec Olivier Aumard sur Morning et Bouygues, Aurélie Scalabre sur Monoprix, Nicolas Lautier sur Canal+, Olivier Apers sur Decathlon, Guillaume Rebbot sur Citroën…
Aussi, je me fais des amis pour la vie (bisous les bons à rien). Mais je ne trouve pas ma place dans ce gros bateau. Je n’ai pas de DA, je suis volante sur tous les sujets. Mauvais timing. Donc je pars chez Buzzman.
Là je viens tout juste d’arriver donc je n’ai pas grand-chose à raconter sur Buzzman, à part que David Derouet et Patrice Lucet sont incroyables, ainsi que toutes les personnes que j’ai rencontrées jusqu’ici, et que j’ai hâte des années qui sont devant moi à travailler avec eux. Aussi, petite nouveauté, je suis en team avec Hugues Tanchon, DA anciennement chez DDB.
Parles nous de 2-3 choses que tu as faites ?
Les accroches Intermarché. Un gold au Club des DA en rédaction, c’est précieux.
Une activation où l’on permet à des personnes qui n’ont pas les moyens de se déplacer de profiter des places vides à l’arrière des voiture d’auto-écoles.
Une campagne d’affichage pour Morning pour essayer de bousculer un peu la vie de bureau.
Une presse Intermarché pour le déconfinement. Elle est précieuse car c’est ma première rédac solo qui sort.
Des accroches pour OuiFM, parce que ça fait toujours bien de montrer qu’on a travaillé sur OuiFM. Et j’en rajoute une petite couche en disant que ces annonces sont montées par Stéphane Richard en personne.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, des projets ?
Mon projet principal à côté de la pub, c’est de me saouler la gueule au bar.
Le deuxième, je l’ai commencé l’année dernière. C’est un compte Instagram où je publie mes plats, un peu comme un journal personnel de cuisine. Si vous voulez jeter un coup d’oeil, ça s’appelle Léché (@leche.projet) avec un très joli logo confectionné par mon talentueux ami Geoffrey Poulain.
Et comme la bonne nourriture s’accompagne souvent de bons vins, je me forme en oenologie. Aussi, j’ai très envie depuis un petit moment de me former en cuisine en parallèle de mon travail. Comme des cours du soir par exemple. Je me dis que ce n’est pas parce que j’ai déjà un métier qui me plaît que je ne peux pas continuer à apprendre des nouveaux trucs à haut niveau. Surtout que ce sont des compétences utiles, vu qu’elles me nourrissent moi et mes amis.
Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
Le meilleur : les soirées de compétitions gagnées chez Romance.
Le pire : les lendemain de soirées de compétitions gagnées chez Romance.
C’est qui ta génération ? Les créas qui avancent en même temps que toi.
Dans ma promo, Geoffrey Poulain et Ninon Peres. On a tous vu leur superbe campagne pour La Vie. Méline Deregnaucourt et Léo Tartrais chez Romance qui sortent plein de films cool sur Intermarché et d’autres clients. J’ai aussi eu le plaisir d’évoluer aussi auprès de Diane Desclaux et Claire Croteau, qui sont chez Rosa maintenant et qui ont fait les chouettes derniers films Acadomia. Chez BETC, j’ai rencontré Guillaume Denis et Mathieu Hamon. J’avais adoré leur campagne pour KFC les bruitages au cinéma.
Quelles sont les pubs que tu préfères, tes classiques ?
Umbro goalpost parce que Minnie Ripperton sur ces cages de foot au Royaume-Uni.
Mcdonald’s community football pour la qualité des insights.
Sometimes life’s more than a 3 minutes conversation de Vodafone pour le montage.
Hair down there du Trivial pursuit canadien pour le sadisme.
http://www.culturepub.fr/videos/the-hargrave-pub-restaurant-hair-down-there/
Rewind Orange de Publicis conseil pour la réal qui m’a fascinée quand je voyais ça à la télé étant petite.
Cyrano de Bergerac de Leg parce que Oxmo Puccino x Edmond Rostand x Nike même en rêve je mixe pas tout aussi bien.
Dads in Brief parce que des pères en slip pour de l’air conditionné.
Susan Glenn de Axe pour l’émotion que ça me procure à chaque fois.
Volkswagen Les parents qui mentent car les insights sont parfaits.
Et si je cite ce film, il y a aussi Les Autres parce que la plume de Benoît Oulhen :
Old Table Value City Furniture pour les gens qui miment le vomi.
Fat people are hard to kidnap, parce que c’est totalement con et qu’on n’en demande pas plus à une pub.
Levi’s Odyssey, parce que ce n’est pas totalement con et qu’on demande aussi ça d’une pub.
Thug Kitchen pour voir des enfants insulter des adultes.
Bicky : The Bicky beef miracle pour ne pas oublier les perles de la Belgique dans ce classement.
Amazon Prime Great shows stay with you pour l’insight, l’écriture et l’exécution qui sont superbes.
Meet the superhuman pour te retourner le cerveau avec une ligne incroyable.
Dream crazier pour te le remettre à l’endroit.
Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ou en dehors, des gens qui t’inspirent ?
Dans la pub, Virgile Lassalle, Patrice Dumas, Alexandre Hervé, Alexander Kalchev, Marco Venturelli, Benoît Oulhen, Martin Rocaboy, Jean-François Bouchet, Alexandre Toso. Ça fait beaucoup d’hommes putain. Heureusement, pour contrebalancer tous ces grands noms, il ne suffit que d’un seul encore plus grand : Ellynore Attia.
Dans la cuisine, Alain Passard pour qui j’ai beaucoup d’admiration, ça a été l’un des premiers en France à proposer un menu entièrement pensé autour du végétal plutôt que de la viande dans les années 2000. Et si ça c’est pas un truc de rock star, regardez les critiques du Figaro de l’époque. Je peux aussi citer Yannick Alléno, Alain Ducasse, Mauro Colagreco, Yotam Ottolenghi, Auguste Escoffier… Parce qu’il faut quand même se rendre compte d’une chose, c’est quand même un truc de dingue d’inventer un nouveau plat, d’inventer de nouvelles techniques de cuissons.
Quelque chose qui n’a pas été goûté auparavant.
C’est comme la pub, c’est hyper dur.
Mais quand c’est réussi, c’est hyper bon.
Tu peux envoyer un mail au toi de 60 ans, tu lui dis quoi ?
Tu vas le commencer quand ce putain de potager ? Et lâche cette clope.
Un conseil pour ‘réussir’ dans ce métier ?
C’est une habitude que beaucoup de gens ont et que j’ai mis du temps à adopter (par flemme principalement) : tout écrire, tout le temps. Les pensées, les blagues qu’on fait entre potes, les situations marrantes du quotidien. Les insights qui te percutent dans la vraie vie mais dont tu ne te souviens plus une fois que tu passes à l’écriture d’une idée.
Aussi, travailler pour des gens qui vous inspirent, c’est important, ça tire vers le haut.
Un conseil qu’on m’a donné et que je rends : ne pas faire des choix d’argent, faire des choix de carrière. Surtout au début. (Même si tout est plus simple avec un salaire décent). Ce ne sont pas les meilleures agences qui donnent les meilleurs salaires en junior, mais ce sont celles qui forment les bons créatifs. Donc, ceux qui restent dans le métier longtemps à des très bons salaires.
Ah, et n’oubliez pas, amusez-vous.