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Interview au format un peu particulier, elle se décompose en 2 parties :
La première date de juillet 2011 que vous trouverez un peu plus bas, après celle de mars 2018.
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Une musique à suggérer pendant la lecture de l’interview ?
Benjamin :
Mars 2018 :
Hello Benjamin, ça fait quoi d’être Directeur de la Création avec Faustin son pote de gratte ?
C’est GIGA COOL dirais-je !
GIGA COOL de se retrouver avec un ami fidèle et un pendant créatif très fort. C’est l’idéal.
C’est l’idéal parce que cela apporte à la fois de la légèreté, de l’énergie et un état d’esprit à part, qui est moins dans les codes du travail publicitaire classique et plus dans une démarche artistique je pense.
Il y a désormais des compétences multiples, diverses et variées qui emboîtent leurs cerveaux pour arriver à accoucher d’une belle idée et ça commence par un tandem créatif.
On ne gagne pas seuls, on gagne en tandem.
Nous croyons encore au tandem créatif en 2018. Nous concernant, nous sommes deux DA et cela n’est pas du tout pénalisant. Nous avons une chance dans la malchance de notre métier en 2018 : Les mots sont en train de disparaître comme un caramel au soleil de midi.
Je dirais qu’aujourd’hui le titre de Directeur Artistique ne veut plus rien dire, je pense que la définition qui conviendrait la mieux serait Concepteur Artistiques.
Par exemple, Julia et Léna à l’agence sont Conceptrices Artistiques. Elles sont DA de formation mais elles trouvent des idées, elles écrivent très bien donc finalement elles sont plus Conceptrices Artistiques que Directrices Artistiques.
Mais qu’elle était la question ? Ah oui !
La réponse : C’est Giga cool.
Du coup, d’Olivier chez FF jusqu’à Faustin chez TBWA, comment ça s’est fait ?
Ça faisait longtemps qu’avec Faustin on voulait travailler ensemble. Il est arrivé chez DDB où j’ai démarré avec Céline Landa. C’était une super aventure, on a explosé ensemble et in fine elle a voulu changer de vie et elle est repartie dans notre Sud natal. Donc j’ai eu un premier changement à cette époque. Et je me suis dit « Ça serait GIGA COOL de bosser avec Faustin » mais Faustin était en train de monter en puissance avec Fabien, donc ce n’était pas le bon moment. On s’est ratés une première fois. Deux ans après, Faustin est parti chez Conseil et là il est venu me voir. Seulement moi entre temps j’étais reparti dans une belle aventure avec Romu (Olivier Lefebvre)
Et puis finalement Faustin est parti en Angleterre puis à Amsterdam chez Wieden+Kennedy. Et puis un jour il m’appelle… On s’est ratés deux fois mais pas la troisième.
Il y a quand même une culture de l’esthétisme alors c’est plus facile de faire perdurer l’affichage, non ?
Non, ce n’est pas plus facile, la culture de l’esthétisme malheureusement s’érode un peu. Je vous invite à faire un test. Prenez une ligne de métro, celle que vous voulez, et shootez toutes les affiches station par station puis postez les sur votre blog. La réalité de notre publicité française est là. Elle est à chier. C’est de la merde étalée sur les murs.
NDLR : exemple pas très publicitaire (collectivité territoriale) et assez extrême, mais ça bien illustre le propos.
Malheureusement nos murs sont aussi tristes que le ciel de Cherbourg.
Je suis désolé d’être un peu négatif, mais c’est la dure réalité. La culture de notre métier est en train de disparaître. Malheureusement à force de passer du temps à réfléchir à des déploiements d’idées, on en oublie la quintessence même du métier : le point de vue, la ligne et une forme jamais vu auparavant.
il y a 2-3 campagnes de TBWA dont tu as envie de parler ?
Récemment :
Oui SNCF – La diva (2018)
Handsaway (2018)
https://www.handsaway.fr/
Castorama (2017) – Le papier peint connecté
Ce qui nous intéresse avec Faustin c’est d’explorer sans cesse ne jamais se reposer sur la tendance du moment. Ces travaux ne sont qu’une addition de petits détails. C’est très spécial, ce n’est pas dans les codes classiques et il n’y a pas de mécanique créative.
Je pense qu’il y a des gens qui ne vont pas du tout aimer, très honnêtement, parce que c’est assez clivant. Ce sont des parti-pris, donc comme tout parti-pris : on aime ou on déteste comme chez Michou. Chez Michou c’est bleu, ben on aime ou on déteste, il y en a qui adorent… C’est chez Michou quoi !
Un conseil à délivrer aux publicitaires de demain ?
Mon conseil : Ayons du recul sur les comportements, les usages d’aujourd’hui. Franchement, il y aurait une civilisation qui débarquerait et qui s’installerait confortablement dans un canapé sur la Lune pour nous observer, ils hallucineraient.
Il y a un couple de youtubeurs américains a eu une idée de génie pour faire le buzz : Tirer sur son conjoint avec un flingue, mais la balle devait être stoppée par une bible. Résultat le mec est mort. Ah ah ah ! Ça fait quand même réfléchir… Le storytelling est extraordinaire !
Le mauvais réflexe de beaucoup c’est d’arriver avec ce type de vidéos, en disant «C’est pas de la pub donc on peut le faire en pub nous ». On est créatifs ou on est pas créatifs ?
Si c’est pour refaire le contenu qu’a fait John-Peter dans le Michigan, excusez-moi du peu mais j’estime que cela s’appelle du plagiat. Aujourd’hui dans la grille déontologique de notre métier ça n’existe pas.
Et surtout, nourrissez-vous de ce que vous aimez !
Vous savez quoi, l’avantage de la culture c’est que ce n’est pas comme le chocolat, cela ne fait pas grossir. Donc allez-y ! Bouffez-en autant que vous voulez et vomissez tout bordel !
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Juillet 2011 :
Bonjour Benjamin, quel a été ton parcours ?
Par quoi commencer…Il était une fois dans une contrée éloignée….je vendais des vieilles galettes dans un magasin spécialisé à Avignon et aussi bien évidemment du cd. Un beau matin les premiers disques gravables sont arrivés, bref le début de la fin pour notre petite boutique qui déjà avant l’arrivée du mp3 avait du mal à tourner…
J’ai bossé là-bas pendant 5 ans…en parallèle de mes études universitaires, un peu de sociologie, un peu d’économie et beaucoup de rien…bref, mon boss de la boutique m’a proposé de m’associer avec lui. Je me suis alors posé et je me suis demandé ce que je voulais vraiment faire, d’autant que le cd gravable faisait fureur.
Dans le mois qui a suivit pendant le festival d’Avignon, j’ai rencontré un vieux DA de 45 ans qui avait travaillé chez BDDP à l’époque et qui bossait dans une petite agence sur Avignon. Il m’a proposé de passer les voir…je suis passé et ils m’ont proposé des petits boulots…je savais un petit peu dessiner. C’est comme ça que j’ai découvert le métier en faisant des dessins de champs de lavandes et de vieux mas provençaux destinés aux plaquettes d’hôtels et de campings. Ils m’ont filé des contacts sur Paris en agence, je suis monté à la capitale pour la première fois, je les ai rencontrés et assénés de questions sur le métier. Ils m’ont tous les deux dirigés vers Sup de création Roubaix.
J’ai passé le concours et finalement j’ai été pris. Deux ans de Roubaix, un stage chez BETC de 6 mois et un stage de 3 mois dans une toute petite agence qui portait très mal son nom «Famous». C’est là que j’ai rencontré mon premier copywriter : Celine Landa. Ils nous ont proposé un CDD que l’on a refusé. On s’est mis alors à plein temps sur notre dossier. On a fait et refait et refait le dossier pendant 7 mois en fonction des avis de chacun…on était à deux doigts d’aller démarcher à l’étranger et en un mois tout s’est décanté. On a eu trois propositions de CDD en quinze jours. DDB, BETC et TBWA. Le rendez-vous avec Alexandre Hervé et Sylvain Tirache chez DDB s’était super bien passé, ils étaient ultra motivés et puis c’était les terres de Volkswagen et de Bernbach, alors on a choisit DDB.
(NDLR / mise à jour quelques années plus tard, en 2012, il change pour devenir Directeur de Création chez CLM BBDO. Fin 2014 avec Olivier il va chez Fred&Farid. Puis en 2016 avec Faustin Claverie chez TBWA.)
5 ans de vente de CD/fac puis Avignon, puis Roubaix, puis les stages, ton premier CDD tu l’as eu à quel âge ?
Tard : 25 ans.
Depuis combien d’années travailles-tu dans le milieu de la publicité ?
J’ai commencé en 2004.
Tu as de la famille, des contacts proches, qui travaillaient dans ce milieu avant d’y entrer ?
Pas du tout.
Qu’est ce qui t’as donné envie de faire de la pub ?
C’est un concours de circonstances qui m’a mené à la pub. J’adorais quand j’étais gosse le spot « ovomaltine c’est de la dynamite ». Il paraît que j’ai passé un été à saouler mes parents avec ça. Un peu plus tard j’ai évidemment flashé sur Stéphanie Seymour dans le spot Pacific (qui en plus à l’époque était mariée avec Axel Rose) où elle est à deux doigts de se faire croquer par un requin, le tout accompagné par un vieux synthé, que du bonheur ! J’aurais donné un rein pour être à la place du requin. Mais de là à susciter une vocation, non. Allez, soyons honnête, même les deux reins !
Tu travaillais avec qui et sur quoi chez DDB ?
Depuis 4 ans je bosse avec mon vieux compère Olivier Lefebvre chez DDB et évidemment toujours avec Alexandre Hervé. On a fait de l’INPES tabac, de l’Equipe, du Greenpeace du Lipton Yellow, du VSC…bref les sujets d’Alex.
Parles nous de deux trois choses que tu as faites (en pub et en dehors) que tu apprécies
C’est toujours compliqué de parler de ses boulots…il y a tout de même une campagne que j’aime bien, une campagne de trois spots dirigés par Tim Godsall pour Club internet avec des personnes qui se déplacent pour téléphoner, très absurde…le spot du gamin pour l’Equipe bien absurde aussi… une campagne radio pour « l’Equipe de la veille »… la campagne boomerang greenpeace surtout aujourd’hui celle du nucléaire…et puis récemment le site anewwarrior.com pour pouvoir financer le nouveau rainbow warrior.
Tu fais quelque chose en parallèle de ton métier, une passion ?
Je braille dans un micro à côté du boulot avec un groupe de métal « Omaha Bitch ». On a fait quelques clips de façon collégiale, on se marre bien et puis pour une fois le client, c’est nous ! On vient de sortir notre premier album « Best of metal ».
Pour un premier album un Best of c’est bien non ?
La musique c’est en parallèle ou ça peut remplacer la pub ? Tu joues avec d’autres publicitaires, vous êtes combien ?
Oh oui en parallèle c’est juste du fun. On est 5 : Faustin claverie guitariste rythmique DA chez Mother, Alban Penicaut batteur et DC de CAKE, Antoine Audagguri guitariste solliste et illustrateur roughman chez Carole Lambert et Mathieu Gibson, oui comme la guitare, patron d’une petite boîte digitale « Adjime »…bref une agence en soit.
Du coup toute la communication / logo / clip de ton groupe est gérée par vous même ?
Oui, d’ailleurs on est meilleur dans l’image du groupe que dans sa musique.
Ça aide de bosser dans la pub pour développer la comm’ d’un groupe ?
C’est sûr, mais honnêtement on veut juste se marrer et se faire plaisir…et ne pas retomber dans les même travers qu’en agence, surtout pas !
Votre “Best Of Metal” est autoproduit ou vous avez signé avec une maison de disque?
Autoproduit à 110%. On a été contacté par deux labels, mais honnêtement on a préféré rester indépendant à 100%. c’est Seb de Capitaine Plouf qui nous a enregistré pendant un an et produit la galette…courageuse la bête.
Dans ton métier quel est ton meilleur souvenir ?
Le tournage avec Noam Murro , les séances de réécriture avec Audiard et puis évidemment les lions d’or de 2005 et 2009.
Le tournage avec Noam Murro c’ était pour quoi ?
Un lipton yellow label…lalo schiffrin qui trouve le thème de mission impossible à l’aide de son thé.
Deux ans de tests dans tous les sens dans plus de 20 pays…on est passé par indiana jones spiderman Harry Potter….tout ça pour finir avec Lalo.
La cerise sur la gâteau c’était le gros Muro et la compo du morceau enregistré à Abbey road studio par 150 musiciens…que du bonheur !
Et les séances de réécriture avec Audiard ?
Pour un film sur les violences conjugales. C’était un peu fou. On l’a contacté il était en pleine post prod de son film « un prophète »…le script il l’a trouvé cru, sans fioriture, un bon tartare et c’est ça qui lui a plu… juste retranscrire cette sincérité, cette oppression. Il aimait le point de vue subjectif mais au niveau de la voix off il trouvait ça trop mou, alors on a échangé tous les trois d’abord dans un café puis par mail pour essayer de booster le film. Super expérience. Le voir diriger c’est impressionnant et en montage j’en parle pas…bref que demander de plus, Darius Khonji en Directeur de la photographie ? Allez peut être un jour pourquoi pas !
T’as pensé quoi quand tu a appris que tu avais le lion d’or ?
Je l’ai su qu’en arrivant à Cannes…la veille Alex m’a appelé et nous as dit « C’est de l’argent ». Le lendemain matin dans le TGV on ne captait rien du tout et c’est en arrivant sur le toit du Noga Hilton qu’ils nous ont dit » j’espère que vous avez des pompes propres, c’est du gold les enfants ». Perso j’ai rien compris.
Le lion d’or c’est à peu près le graal en publicité, t’as quoi comme challenge maintenant ?
Sortir des bons trucs, s’éclater à les penser et à les faire c’est d’abord l’essentiel et puis le vrai graal c’est le D&AD !
Putain de rosbeef !
Dans ton métier quel est ton pire souvenir ?
Le tournage de l’enfant pour l’Equipe avec Jonathan Hermann…un technicien a glissé du premier étage et s’est fracassé au rez de chaussé, les pompiers, les flics, l’inspecteur du travail, le gamin du tournage « troma » car il avait vu le technicien s’éclater au sol… le tournage arrêté pendant 9 heures, on a finit à 4 heures du matin le deuxième film avec la mère qui au passage a éclaté 37 tasses de thé tellement son jeu était digne d’AB production… mais heureux dénouement le technicien n’avait que le bras et la jambe cassés, rien au dos, ouf.
Le truc qui t’a fait le plus halluciner ?
La disparition d’un DA sur un tournage en Espagne. Tout le monde à cru qu’il s’était noyé, on a retrouvé ses fringues sur la plage, les flics ont lancé un avis de recherche et commencer à draguer la côte…à l’agence c’était la panique et 6 heures plus tard, plus de peur que de mal il s’était endormit un peu éméché dans la mauvaise chambre. Héhé honnêtement un bon script.
Ce que tu ne pensais pas faire un jour ?
Jouer dans une pub. Sur un club internet je joue le psychopathe de dos…je me suis bien marré.
Quelle est professionnellement la pub qui t’a le plus marqué ?
Le spot du times « Are you missing what is it important ? » Le spot de Murro » Night Drive » pour VW de DDB londres. Le stella Artois de Zacharias, l’impossible dream de Zacharias encore,le guiness de Glazer énorme…l’ours john west…les annonces The Economist…les vieux billboard Nike….il y en a trop trop…et puis évidemment la campagne de Mortier Brigade pour studio bruxelles, juste brillant !
Avec qui as tu grandi publicitairement parlant ?
Thirache-Hervé et toute une génération de branleurs juniors comme moi, « les polaks », « Alex et Fred », « Dessagne-Delage », « Perarnaud-Darfeuille »…et puis bien évidemment le bon gros team de senior qui nous mettait des claques sur les briefs « Pottel-Lebec ».
Si tu commençais la pub aujourd’hui, tu irais ou ?
Wieden & kennedy Portland
Tu penses que le milieu va évoluer de quelle manière ?
Tout explose, il n’ y a plus de barrières aujourd’hui et c’est tant mieux. Heureusement l’idée continue et continuera toujours d’émerger, qu’importe le média.
C’est l’idée qui prime.
Tu as des modèles de créatifs dans la publicité ?
Bernbach évidemment, la vérité est imparable en publicité.
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